Il se trouvera toujours des défenseurs de la « foi du charbonnier ». Ceux-là pensent qu’il est mieux de croire sans se poser de questions. D’autres, tirent argument du fait que le Christ a donné en exemple les enfants et en concluent un peu rapidement qu’il nous encourage à croire sans réfléchir.
Tenir un tel raisonnement, ce n’est faire honneur ni aux charbonniers ni aux enfants. Du reste, celui qui connaît un peu les enfants sait qu’ils réfléchissent beaucoup et qu’ils se posent une multitude de questions. C’est en recevant des réponses appropriées à leur âge qu’ils vont pouvoir grandir et se développer.
Soyons clair : il est légitime d’avoir des questions quand on aborde le domaine spirituel. C’est même plutôt bon signe. Mais il est important aussi d’accepter le principe que nous ne pourrons pas toujours avoir toutes les réponses souhaitées à chacune de nos interrogations. C’est peut-être là aussi que les enfants peuvent être pris en exemple. D’une part, parce qu’un petit enfant n’est pas capable de comprendre tout ce que l’adulte sait ; il est donc nécessaire de lui apporter une réponse juste mais limitée. D’autre part, parce que l’adulte lui-même ne sait pas tout. En fait, sous l’apparente candeur d’une question d’un enfant de trois ans se trouvent parfois des demandes plus fondamentales qu’il n’y paraît. Il vaut mieux parfois répondre à un enfant « je ne sais pas » que d’inventer n’importe quelle explication peu convaincante. Ainsi en est-il aussi de la foi. Ne sommes-nous pas comme des enfants lorsque nous sommes face à notre Créateur ? N’est-il pas, par principe, infini, et nous limités ?
Après tout, chacun sait aussi que chaque nouvelle avancée scientifique ouvre toujours sur de nouveaux champs d’exploration et débouche immanquablement sur des dizaines de questions qu’on ne soupçonnait même pas jusqu’à cette découverte. Plus nos connaissances de l’univers grandissent, plus nous multiplions les questions sans réponse. Cela n’empêche pas les hommes de science de continuer à chercher et à faire d’autres découvertes intéressantes.
La foi n’échappe pas à ce phénomène. La créature qui croirait tout savoir de son créateur l’aurait tout bonnement rabaissé au rang d’une idole. C’est encore plus insupportable que de ne pas croire. S’il est un âge où un enfant est convaincu que son papa sait tout sur tout, il est important qu’il se rende progressivement compte que ce n’est ni vrai ni même possible. C’est sans doute un chemin douloureux mais il est pourtant indispensable.
Celui qui tient la Bible pour vraie échappe, au moins partiellement, au piège d’imaginer qu’on peut tout savoir et comprendre sur Dieu. La Bible elle-même n’est-elle pas un livre qui contient de nombreuses interrogations laissées sans réponse ?
Il est important aussi de prendre conscience que les hommes sont bien moins rigoureux et « cartésiens » qu’ils ne l’imaginent. Que d’inconséquences entre ce qu’ils savent et ce qu’ils vivent ! Que de comportements dictés plus par leurs penchants naturels, leurs frustrations, leurs ambitions et leur incapacité à se dominer que par leur science ! On pourrait évoquer ici le médecin qui fume deux paquets par jour, l’agent de la circulation qui transpire l’alcool ou encore le conseiller conjugal qui divorce pour la troisième fois... Mais soyons lucides : ce que nous dénonçons chez les autres existe aussi en nous, beaucoup plus que nous ne sommes prêts à l’avouer. Soyons honnêtes également : cette incapacité à mettre notre vie en harmonie avec ce que nous savons génère obligatoirement des raisonnements intellectuels insatisfaisants et tronqués. Les beaux discours académiques et les analyses savantes des phénomènes de société ne sont parfois que des trompe-l’œil qui cachent mal la personnalité, pour ne pas dire les complexes ou les problèmes, de ceux qui les font.
Consciemment ou pas, nos inconséquences et de nos dysfonctionnements personnels nous empêchent de bien réfléchir avec toute l’objectivité nécessaire. Le problème des êtres humains ne se résoudra pas en relevant leur quotient intellectuel ou leur niveau d’éducation. Il est plus profond. Tôt ou tard, ce que la Bible appelle le péché pervertit notre raisonnement, autant que nos comportements ou nos émotions. Malheureusement, il y a peu de personnes qui acceptent de le reconnaître.
C’est ici qu’on pourrait citer Mark Twain lorsqu’il déclarait avec son humour habituel : « ce ne sont pas les questions sans réponses qui me posent le plus de problèmes mais plutôt les passages de la Bible les plus clairs. »
Ceci dit, que personne n’entende cette réflexion comme une conclusion qui ferme trop facilement le débat. Le but des pages qui suivent est bien de tenter les meilleures réponses possibles aux questions que nous pouvons nous poser. Malgré l’espace réduit que nous sommes contraints de leur consacrer, nous espérons qu’elles permettront à chacun d’avancer sur le chemin parfois difficile de la foi. Notre vœu est aussi qu’il soit utile à tous ceux qui ont à cœur de témoigner de la foi qui les habite. Ils trouveront ainsi des réponses aux questions qui leur sont invariablement posés