L’évangile de Luc souligne, tout spécialement, le caractère urbain du ministère de Jésus. Il s’est orienté vers la population des villes d’Israël. Même s’il s’agissait souvent de petits villages regroupés autour de villes aux activités essentiellement artisanales et commerciales.
«
Jésus va dans les villes et les villages. Il annonce partout la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu » (Luc 8.1).
«
Une grande foule se rassemble, des gens de toutes les villes viennent vers Jésus » (Luc 8.4).
Même si Luc ne précise pas toujours le nom de chaque lieu, il est clair qu’il considère la ville comme le principal champ de mission de Jésus : «
Aux autres villes aussi, il faut que j’annonce la Bonne Nouvelle du règne de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé » (Luc 4.43). On compte jusqu’à 30 références aux villes dans son évangile. Dans ce but, Jésus cherche parfois des endroits en dehors des villes exiguës de l’époque qui vont permettre des rassemblements plus nombreux pour qu’il puisse s’exprimer. On pense aux divers lieux de ses multiplications des pains par exemple, ou l’enseignement de ses paraboles depuis une barque.
Les foules se mettent donc à courir après Jésus, ne lui laissant que peu de répit. La Bonne Nouvelle qu’il annonce de ville en ville suscite une joie profonde car, loin d’être moralisateur, Jésus révèle un Dieu qui a un cœur de père. Il aime, il pardonne, il restaure, se souciant tout particulièrement des oubliés et des laissés-pour-compte.
Villes à majorité juive
AUTOUR DU LAC DE GALILÉE
Jésus a exercé une grande partie de son ministère dans les villes et villages autour du lac de Galilée, une région aux nombreuses collines.
Ceux-ci étaient entièrement tournés vers la pêche et possédaient chacun un port aménagé. Les installations portuaires d’une quinzaine de villes ont récemment été révélées grâce à la baisse du niveau du lac. Elles consistaient principalement en une digue destinée à protéger la rive lors des tempêtes. Capernaüm était, avec Tibériade, un des principaux centres de pêche.
Le poisson le plus important du point de vue économique était un petit poisson proche de la sardine. On pratiquait la pêche à l’aide de grandes barques à fond plat et de différents filets dont les noms se trouvent dans les évangiles. Parmi eux, l’épervier et la senne qui permettent de saisir de grandes quantités de poissons. À la bonne saison, plusieurs tonnes pouvaient être pêchées en une nuit. Magdala, dont le nom grec
Tarichea signifie « poisson salé », était le centre de l’industrie qui conditionnait le poisson sous différentes formes pour le conserver, mariné ou salé.
Une fois pêché, le poisson pouvait être vendu à Capernaüm, ou alors séché et transporté dans la région de la Décapole. On peut imaginer qu’André et Philippe, qui parlaient grec, étaient chargés de le vendre dans la région de la Décapole, et que Jacques et Jean faisaient de même à Jérusalem.
L’Évangile nous apprend que Zébédée était, avec ses fils, Jacques et Jean, responsable d’une entreprise de pêche. Il était propriétaire de ses barques et faisait travailler quelques ouvriers.
CANA
Cana, de l’hébreu
qaneh, « roseau », est une petite localité de Galilée. Sa localisation reste incertaine, mais il semble cohérent de la placer à 14 km au nord de Nazareth, à Khirbet Qana dont l’environnement marécageux semble justifier son étymologie.
Jésus, accompagné de ses disciples et de sa mère, participe à une noce. Comme le vin vient à manquer, Jésus, à l’insu des invités et des mariés, fait remplir d’eau de grandes jarres. Cette eau-ci devient du très bon vin en grande quantité. C’est à Cana que Jésus accomplit son premier miracle, son premier « signe » (Jean 2.1-11).
MAGDALA
Celle qu’on nomme Marie-Madeleine s’appelait en réalité Marie de Magdala. La bourgade dont elle était originaire se situait sur la côte occidentale du lac de Génésareth, au nord de Tibériade. Jésus l’avait « délivrée de sept démons » (Marc 16.9 ; Luc 11.26). On comprend ainsi l’immense reconnaissance qu’elle manifeste à l’égard de son libérateur. Elle se dévoue désormais entièrement à son service, prête aussi à prendre des risques personnels considérables puisque Jésus était, pour plusieurs, un personnage séditieux.
Elle le suit même jusqu’au pied de la croix. C’est elle qui, la première, aura la joie de le voir en tant que ressuscité (Marc 16.9 ; Jean 20.1, 11-18).
CHORAZIN
Les villes du bord du lac de Galilée, comme Chorazin sont celles qui ont eu le plus d’occasions d’entendre Jésus et de voir ses miracles. Leur privilège leur conférait une immense responsabilité. Parce qu’elles se sont enfoncées dans le refus face à Jésus, sa parole est très dure à leur égard :
« Quel malheur pour toi, ville de Chorazin ! Quel malheur pour toi, ville de Bethsaïda ! C’est chez vous que Dieu a fait des choses extraordinaires... C’est pourquoi le jour où Dieu jugera les gens, il sera moins sévère avec les habitants de Tyr et de Sidon qu’avec vous ! » (Luc 10.13-16).
Une invitation à prendre au sérieux.
BETHSAÏDA
Ce village de pêcheurs se situe sur la rive est du Jourdain et signifie en hébreu la « maison de la pêche ». Il a reçu au début de notre ère le nom de « Julias » et est connu dans les évangiles comme lieu de résidence de Philippe, André et Pierre (Jean 1.44).
Jésus a marché sur les eaux de la mer de Galilée près de Bethsaïda. Il y a guéri un aveugle en lui imposant les mains (Marc 8.23).
C’est dans la région de Bethsaïda qu’a eu lieu la première multiplication des pains (Luc 9.10-17).
NAÏN
Naïn était une bourgade située à la frontière sud de la Galilée, tout près du village de Chounem où le prophète Élisée avait imploré Dieu de redonner vie à un enfant. Avant lui, Élie, premier grand prophète de l’Ancien Testament, avait accompli un miracle semblable. Comme Élie et Élisée, Jésus redonne vie au fils d’une veuve.
« Ensuite, Jésus va dans une ville appelée Naïn. Ses disciples et une grande foule marchent avec lui. Au moment où il arrive à l’entrée de la ville, on conduit un mort au cimetière. C’est le fils unique d’une veuve. Beaucoup de gens de la ville accompagnent cette femme. Quand le Seigneur la voit, il est plein de pitié pour elle et il lui dit : “Ne pleure pas.” Il s’avance et il touche le cercueil. Les porteurs s’arrêtent. Jésus dit : “Jeune homme, réveille-toi! C’est un ordre !” Alors le mort s’assoit et il se met à parler. Jésus le rend à sa mère. Tous les gens sont effrayés, ils disent : “Gloire à Dieu! Un grand prophète est arrivé chez nous ! Dieu est venu au secours de son peuple !” Dans toute la Judée et dans les environs, on raconte ce que Jésus a fait » (Luc 7.11-17).
La position des veuves dans la culture moyen-orientale était tragique si elles n’avaient pas de parents masculins pour prendre soin d’elles. Le miracle qu’opère Jésus n’en a que plus de sens pour cette pauvre femme.
JÉRICHO
Un peu d’histoireJéricho, « la cité aux mille palmiers », est l’une des plus anciennes villes du monde. La première ville a été construite environ 6.000 ans avant notre ère. La chaleur dans la vallée du Jourdain à 200 mètres sous le niveau de la mer et d’abondantes sources en font un lieu idéal pour l‘agriculture : oranges, melons, dattes, bananes y poussent en quantité.
Pour qui venait de Galilée à Jérusalem par la vallée du Jourdain, Jéricho était inévitable. Lors des pèlerinages, Jésus, venant de Nazareth ou de Capernaüm, passait donc normalement par Jéricho.
Jéricho avait été vouée à l’anathème au temps de Josué. Elle n’aurait jamais dû être reconstruite. Elle le fut pourtant, mais au prix de sacrifices terribles comme en témoigne la Bible :
« Un homme de Béthel, appelé Hiel, reconstruit la ville de Jéricho. Mais quand il creuse ses fondations, cela lui fait perdre son fils aîné, Abiram. Quand il pose les portes de la ville, cela lui fait perdre son fils plus jeune, Segoub. C’est ce que Josué, fils de Noun, a annoncé de la part du Seigneur » (1 Rois 16.3).
La dernière étape vers JérusalemLes évangélistes situent la troisième et dernière annonce de la Passion près de Jéricho :
« Jésus prend les douze apôtres avec lui et il leur dit : “Écoutez ! Nous montons à Jérusalem, et tout ce que les prophètes ont écrit au sujet du Fils de l’homme, cela va arriver. En effet, on va le livrer à ceux qui ne connaissent pas Dieu. Ceux-ci vont se moquer de lui, ils l’insulteront, ils cracheront sur lui. Ils le frapperont à coups de fouet, puis ils le feront mourir. Et le troisième jour, il se relèvera de la mort.” Mais les disciples ne comprennent rien à cela. Pour eux, ces paroles ne sont pas claires, et ils ne savent pas ce que Jésus veut dire » (Luc 18.31-33).
Avec Jésus, elle devient l’occasion d’annoncer sa miséricorde universelle. En effet, Jésus, le Fils unique du Père, s’apprête à donner sa vie en sacrifice pour la vie de tous les hommes. Il deviendra, par sa mort et sa résurrection, le premier-né d’une humanité nouvelle.
À certains égards, la marche résolue de Jésus vers Jérusalem, accompagné de ses disciples, ressemble à celles des rois hellénistiques qui visitaient les grandes villes de leur royaume et rendaient la justice aux portes des villes.
Jésus, lui aussi, s’arrête à l’entrée des localités traversées et y exerce son pouvoir reçu de Dieu. N’est-il pas le « Fils du Très-Haut » et ne doit-il pas prendre possession du « trône de David son père » ? C’est en tout cas ce que l’ange avait autrefois annoncé à Marie (Luc 1.32). Au fur et à mesure que Jésus s’approche de Jérusalem, le caractère royal de sa visite s’accentue.
Le mendiant aveugle
La scène qui suit se situe à l’entrée de Jéricho :
« Un aveugle est assis au bord du chemin, et il est en train de mendier. Il entend une foule qui passe et il demande aux gens : “Qu’est-ce que c’est ?” Les gens lui répondent : “C’est Jésus de Nazareth qui passe.” Alors il se met à crier : “Jésus, Fils de David, aie pitié de moi !” Les gens qui marchent devant lui font des reproches. Ils lui disent : “Tais-toi !” Mais l’aveugle crie encore plus fort : “Fils de David, aie pitié de moi !” Jésus s’arrête et il donne cet ordre aux gens : “Amenez-le auprès de moi !” Quand l’aveugle est auprès de lui, Jésus lui demande : “Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?” L’aveugle lui dit : “Seigneur, fais que je voie comme avant !” Jésus lui répond : “Vois ! Ta foi t’a sauvé !” Et aussitôt, l’aveugle voit comme avant. Il suit Jésus en disant : “Gloire à Dieu !” En voyant cela, tout le peuple chante les louanges de Dieu » (Luc 18.35-42).
Notons que, dans cette histoire, seul l’aveugle Bartimée voit vraiment clair car il a reconnu en Jésus le Messie promis lorsqu’il le nomme Fils de David.
Le prochain selon Jésus
Dans la Judée de l’époque, l’opposition à la domination romaine prenait parfois la forme de « guérilla ». Des bandes attaquaient de petits groupes de soldats ou d’officiels en déplacement et d’autres investissaient les arsenaux pour se procurer des armes. Des troupes furent ainsi massacrées sur la route d’Emmaüs alors qu’elles acheminaient des réserves de maïs ou d’armes vers Jérusalem. Les routes menant à Jérusalem étaient particulièrement...