– La notion de sacrifice consiste à tenter de restaurer la pureté, la relation avec Dieu ou avec les dieux, et cela dans toutes les religions. Ça se fait très souvent de manière violente, et quand on en vient à sacrifier des humains, c’est indicible. La question du sacrifice - René Girard a écrit des livres sur ce thème(1) –est absolument universelle : il faut que quelqu’un « plonge », en quelque sorte.
– En chacun de nous, il y a cette notion d’indignité dès lors qu’on se présente devant tout être considéré comme supérieur ; alors, on offre une forme de sacrifice. Si vous allez en visite, vous apportez des fleurs, une bouteille de vin, quelque chose : c’est presque un réflexe, pas seulement de politesse, car il s’agit à la fois de rendre des honneurs à l’invitant et de s’attirer ses bonnes grâces. Avec un humain, un bouquet de fleurs peut suffire. Avec la divinité, la barre est placée beaucoup plus haut. Plus on a conscience de son exigence, voire de sa férocité, plus le sacrifice va être violent et marqué. Ainsi, toutes les religions du monde sans exception ont développé la pratique du sacrifice.
– Quand les Aztèques sacrifiaient leurs gosses, ce n’était donc pas par méchanceté.
– Non, c’était dans le but de se concilier les bonnes grâces de la divinité, afin d’assurer la survie de la famille ou du clan. A priori, la divinité a une pensée plutôt négative à notre sujet.
– Dans le judaïsme, l’épisode du sacrifice d’Isaac est à la fois le début et la fin du sacrifice humain. Car de sacrifice il n’y en a pas eu –d’ailleurs, les Juifs disent : la ligature d’Isaac.
– Tout à fait. Il n’y a pas de sacrifice humain voulu par Dieu. Et le problème du « sacrifice » d’Isaac est à placer dans le contexte de la relation très spéciale qu’Abraham entretenait et qu’Isaac aurait dû entretenir avec son Dieu. J’ai consacré ailleurs quelques écrits à ce sujet assez subtil. En tous cas, dans le judaïsme, il n’y a pas de sacrifice humain acceptable, jamais.