La confidentialité : vie dans l'église et secret professionnel

Complet Vie et gestion de l'Église 3 commentaires

Quand les Églises favorisent la fraternité, la solidarité dans la prière et le partage de ce que les croyants ont en commun dans le Seigneur, il est presque inévitable que beaucoup de choses qui relèvent de la vie privée, soient connues dans la communauté. Ce n’est pas très grave tant qu’il ne s’agit pas de choses délicates. Dans de telles Églises, il est d’autant plus nécessaire que les pasteurs et ceux qui collaborent au suivi pastoral des personnes, connaissent bien les enjeux du secret professionnel. Non seulement vis-à-vis de la communauté et des croyants individuels, mais aussi vis-à-vis des autorités.
Fort d’une longue expérience dans ce domaine, l’auteur est bien placé pour nous éclairer sur la confidentialité, son importance ainsi que sa fragilité. Qu’en dit la Bible, qu’en dit la loi, et qu’en disent les expériences dans nos Églises ? Dans cet article, il développe de façon plus détaillée la conférence donnée le 30 janvier 2011 à Champs-sur-Marne, dans le cadre de l’Association Évangélique d’Églises Baptistes de Langue Française (AEEBLF) qu’il préside.

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La confidentialité : vie dans l'église et secret professionnel

Nous allons réfléchir à la confidentialité et au secret professionnel. Le respect des confidences est une question de savoir-vivre qui concerne tout le monde. Le secret professionnel concerne ceux qui reçoivent des confidences en vertu de la position qu’ils occupent : les pasteurs, mais aussi les anciens. Ces deux thèmes concernent notre vie dans l’Église, et c’est pourquoi je commence en vous rappelant ce qu’est notre conception de l’Église. Car nous vivons dans l’Église comme dans une grande famille. Et parfois, dans les familles, les confidences sont des secrets de Polichinelle.

I - L’ÉGLISE ET LA CONFIDENTIALITÉ

Notre conception de l’Église : la communion
Devenir membre de l’une de nos Églises, c’est une adhésion volontaire qui entraîne des responsabilités partagées avec tous les autres membres. Nous citons volontiers Actes 2.42 pour dire que l’Église vit avec quatre valeurs essentielles :
• le respect de l’enseignement des apôtres,
• la Cène, qui implique la communion avec Dieu et avec ses frères,
• la communion fraternelle,
• la prière, dont la prière les uns pour les autres.

Devenir membre, chez nous, implique une sorte de pacte qui nous lie les uns aux autres. Cela implique l’acceptation d’une confession de foi, de statuts et d’un règlement intérieur qui peuvent tous être à l’arrière-plan d’une information qui pose le problème de la confidentialité. Par exemple :
• dans une conversation privée un membre vous dit qu’il ne croit pas à la Trinité,
• un membre refuse aux anciens tout droit de regard sur sa vie privée,
• un membre découvre qu’un autre membre a gravement fauté contre la morale chrétienne : dans sa vie professionnelle, dans sa vie conjugale, à l’égard de ses enfants...

Que faire ? Que dire ? À qui le dire ?
Une vie d’Église est faite d’amitiés et d’échanges. La Bible nous invite à nous encourager les uns les autres, à veiller les uns sur les autres, à prier les uns pour les autres. Quelqu’un qui devient membre de l’Église accepte que les pasteurs ou les anciens portent une responsabilité particulière dans ce domaine.

Notre conception de l’Église : la discrétion
Or, nos relations mutuelles dépendent en partie de la confiance que nous pouvons avoir les uns à l’égard des autres. Si je pense que ce que je dis sera redit plus loin, je vais me taire. La relation sera superficielle. Je vais peut-être m’enfermer dans une sorte d’hypocrisie. Il sera alors impossible de prier pour moi, de me conseiller, de me faire aider. Dans les relations individuelles, il faut respecter les confidences. La Bible valorise la discrétion :
• « Celui qui répand la calomnie dévoile les secrets » (Pr 11.13a).
• « Défends ta cause contre ton prochain, mais ne dévoile pas les secrets d’un autre » (Pr 25.9-10).
• « Que les femmes diacres ne soient pas médisantes » (1 Tm 3.11).

Parfois je trouve que les chrétiens sont trop bavards dans les réunions de prière et qu’ils livrent des détails sur le vécu des autres sans demander leur avis. C’est le sentiment de famille qui prévaut sur la discrétion. Mais en fonction de la taille de l’Église et de sa culture particulière, il peut très bien y avoir des gens qui assistent à une réunion de prière, horrifiés de ce que la vie de chacun est comme la propriété de tous. Même si, généralement, cela part d’un bon sentiment, certaines choses se disent dans les cultes ou dans les assemblées générales sans aucun respect pour la vie privée.

Notre conception de l’Église : la discipline
Si nous cherchons le plus grand bien pour les uns et les autres, nous avons parfois l’obligation de nous confronter à certains péchés. Quand quelqu’un est en chemin et qu’il découvre tout juste ce que signifie être chrétien, on va laisser le Seigneur agir en lui, pour le faire progressivement grandir dans la foi. Mais si quelqu’un se détourne de la juste manière de vivre, de façon délibérée et consciente, notre devoir fraternel envers lui est de contester ses choix.

Nous sommes responsables les uns des autres. Cela peut conduire à toute la procédure de Matthieu 18 : une discussion en tête-à-tête ; une seconde discussion à plusieurs, sans doute avec un ou deux responsables ; une information dans l’Église ; une exclusion disciplinaire que nous espérons temporaire, le temps que la personne mette sa vie en règle. En principe, si vos statuts et votre confession de foi mentionnent la discipline d’Église et l’autorité spirituelle des anciens, et s’ils incluent précisément quelques principes éthiques chrétiens incontournables, vous pouvez toujours dire à un contestataire que le membre qui fait l’objet d’une démarche disciplinaire en a accepté par avance le principe et qu’il ne peut pas se plaindre. Mais, devant un tribunal, il est possible que les juges donnent priorité au respect de la vie privée. Nous avons donc intérêt à être prudents.

Notre conception de l’Église : la responsabilité de tous
Nous sommes coresponsables de la marche de l’Église. Cela se voit quand nous votons pour accepter ou non de nouveaux membres, quand nous votons un budget, quand nous décidons qui va être diacre, ancien ou pasteur. L’Église est le corps de Christ, nous en sommes les membres, chacun pour sa part(1). Quand nous sommes au courant d’un problème grave, nous ne pouvons pas nous dire que cela regarde uniquement les responsables. Nous sommes tous coresponsables avec eux. Et cela touche des choses que nous avons pu apprendre en toute confidentialité.

Notre conception de l’Église laisse donc supposer qu’il y aura parfois une tension entre la confidentialité nécessaire à toute relation authentique, et la solidarité des membres en vue de progresser tous ensemble dans la vérité et dans la droiture. Mais que dit la loi ?

Que dit la loi sur la confidentialité ?
La loi ne s’intéresse pas beaucoup à la qualité de nos relations fraternelles, mais elle contient un principe qui concerne tout le monde. Sur le plan civil, la loi du 17 juillet 1970, inséré dans le Code Civil à l’article 9 précise :
       Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les sanctions sont pécuniaires.

Autrement dit, si quelqu’un estime que dans l’Église on a trahi sa confidence et enfreint sa vie privée, il a le droit d’aller en justice et de demander des dommages et intérêts. Heureusement, dans les Églises, le cas doit être extrêmement rare.

II - LE SECRET PROFESSIONNEL

Quand nous passons de la confidentialité au secret professionnel, les choses sont tout autre. Nous ne sommes plus dans le registre du savoir-vivre, mais dans celui des obligations que la loi impose à ceux qui, de par leur profession ou leur statut, ont accès à des informations privilégiées concernant les personnes.

Pouvoir dire son secret à un professionnel est un facteur de guérison (médecins, psychologues, pharmaciens). Il est nécessaire au fonctionnement de la justice (notaires, avocats) et du commerce (banquiers). Il permet aux responsables d’Église d’aider ceux qui peuvent en avoir le plus besoin.

La notion de secret professionnel est très ancienne. Voici ce que nous trouvons chez les Grecs, dans le serment d’Hippocrate : « Je jure par Apollon, médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que... quoi que je voie ou entende dans la société, pendant l’exercice ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas »(2).

À partir du 4ème siècle de notre ère, la confession privée se répand et les prêtres chrétiens s’exposent à des peines sévères s’ils en rompent le secret. Cette position est confirmée par le Canon 21 du IVème Concile de Latran en 1215 : « Celui qui aura découvert(3) le secret qu’il aura connu par la voie de la confession sera, par notre ordonnance, non seulement déposé de la dignité sacerdotale mais encore enfermé dans un monastère d’étroite observance, pour y faire pénitence le reste de ses jours ». Au XVIème siècle, le concile de Trente a confirmé le principe du secret absolu(2).

Depuis la monarchie jusqu’à nos jours, la loi française reconnaît l’obligation du secret qui incombe aux prêtres, aux pasteurs, aux médecins et aux pharmaciens. Aujourd’hui, cette loi concerne aussi par exemple les banquiers, les travailleurs sociaux, et bien d’autres. Il faut savoir qu’il n’y a plus de liste officielle des métiers concernés. Sont soumises au secret professionnel les personnes dépositaires d’un secret soit par état, soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.

Ce que les pasteurs apprennent de la vie privée des gens dans le cadre de leur ministère, ils n’ont pas le droit de le divulguer sans l’autorisation de la personne concernée, même au sein de l’Église. Cela peut être dans le domaine de la santé, de la vie professionnelle, de la vie familiale ou de la vie personnelle. Il ne s’agit pas seulement de ce qu’une personne a pu dire au pasteur, mais de ce qu’il a pu comprendre, voir, déduire, entendre(2). La violation du secret professionnel constitue une faute pénale. On risque un an d’emprisonnement et 15.000 € d’amende : 
La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende (article 226-13 du Code Pénal).

La loi sur le secret professionnel ne concerne que des professionnels. Autrement dit, les membres de l’Église ne sont pas liés par la loi. La plupart des chrétiens ont le droit de dire ce qu’ils veulent à qui ils veulent. C’est simplement une question de savoir-vivre, c’est la recherche d’un équilibre entre la qualité d’une relation, la santé spirituelle d’une personne, et la santé spirituelle de l’Église. Par contre, les pasteurs sont soumis par la loi à l’obligation du secret. C’est même une nécessité pour l’exercice de leur profession : les gens doivent pouvoir tout dire à quelqu’un de confiance s’ils veulent se sortir de leurs problèmes. S’ils pensent qu’ils peuvent être aussitôt dénoncés à la police ou autre, ils ne vont pas se confier, ni à un médecin, ni à un prêtre, ni à un psychologue, ni à un pasteur. Le secret professionnel est donc là pour favoriser la vie en société et, on l’espère, la guérison de ses membres en difficulté.

Le secret dans la vie de l’Église
Cela veut dire qu’un entretien avec un pasteur reste toujours entre lui et vous. Si vous voulez que l’Église en fasse un sujet de prière, il faut le dire. Si vous voulez que le pasteur en parle avec les autres anciens, il faut le lui demander. Au sein d’un conseil pastoral, on peut pratiquer ce que l’on appelle dans certains milieux professionnels le secret partagé. Mais même là, on ne met en commun que le strict nécessaire et la règle de la discrétion s’impose(4). Dans un autre registre, si vous voulez que le pasteur en parle à son épouse, il faut le lui demander. Les dispositions de la loi s’étendent aussi aux femmes de pasteurs(5) si elles ont un rôle particulier dans l’Église, si elles partagent le ministère de leur mari.

Est-ce que les anciens sont sous la même obligation que les pasteurs ? Sans doute. Le texte de loi parle de personnes qui sont dépositaires d’un secret soit par état, soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire. Cela peut inclure les anciens. Mais dans nos Églises, le statut exact des pasteurs et des anciens est variable. Dans certains milieux évangéliques, le pasteur est un ancien parmi d’autres, il n’est pas forcément le leader des anciens, c’est un laïc, en fait. Ici, à mon avis, la justice ne suivra pas cette logique : le serviteur à l’œuvre, le plein-temps, le pasteur non-leader exerce tout de même une fonction, il est soumis au secret. Dans d’autres Églises, on distingue très nettement le pasteur des autres responsables. Ici, donc, il pourrait y avoir des choses que le pasteur n’aurait pas le droit de dire aux anciens, sauf accord de la personne intéressée. Et dans d’autres Églises encore, le pasteur et les anciens sont réunis en collège pastoral : si la justice admet cette notion, alors tous les membres du collège pastoral sont liés par le secret professionnel. On a intérêt à ce que les personnes admises à partager des choses confidentielles ne soient pas nombreuses.

Un cas concret imaginaire
Imaginons un cas concret. L’un des membres de votre Église s’appelle Lucien. Il apprend qu’un autre membre, Xavier, homme marié, a une maîtresse. Ce n’est pas contraire à la loi, mais c’est contraire à la loi de l’Évangile. Lucien se tait. Et en se taisant, il laisse son ami Xavier continuer, et il devient complice de son péché, complice d’une tromperie à l’égard de la femme de Xavier et de l’Église. Finalement, pris de remords, Lucien en parle à sa femme. Sa femme en parle à la femme du pasteur, parce que c’est la femme du pasteur. Elle est liée par le secret, mais elle partage le secret avec son mari.

Jusque là, que faut-il en penser ? Personne n’est en faute par rapport à la loi. Mais Lucien a été faible. Il aurait dû prévenir Xavier que la chose était trop grave pour qu’il garde le secret. Il aurait pu lui donner le temps d’aller voir lui-même le pasteur. Sinon, Lucien aurait dû aller directement au pasteur sans passer par un nombre indéterminé de tierces personnes. Il pouvait y avoir des fuites.

Et si Xavier se fâche et rompt tout contact avec Lucien ? Cela serait triste. Mais Lucien, maladroitement peut-être, aurait fait le nécessaire pour faire barrage à un comportement indigne d’un chrétien. Il aurait agi dans l’intérêt supérieur de Xavier et de l’Église.

Qu’est-ce que le pasteur va faire maintenant ? Il a appris quelque chose dans le cadre de son ministère, mais il est lié par le secret professionnel.

La toute première chose à faire, c’est de vérifier les faits. Peut-être que Lucien fabule, ou qu’il a mal compris, ou qu’entre-temps Xavier a mis de l’ordre dans sa vie. Le pasteur demande à rencontrer Xavier. Seul, ou avec Lucien. Peut-être que Xavier va se repentir et qu’avec le pasteur il pourra envisager comment réparer sa faute. Ce ne sera pas simple, parce qu’il a péché contre lui-même, contre sa femme et ses enfants, contre sa maîtresse, et d’une manière indirecte, contre les frères et sœurs dont il est solidaire.

Peut-être qu’au lieu de saisir l’occasion pour revenir à Dieu, Xavier va tout nier. Là, le pasteur a un vrai problème. Lucien accuse, Xavier nie, et d’autres personnes sont peut-être au courant d’une version ou d’une autre. Le pasteur a les mains liées. Sans doute qu’avec le temps la vérité surgira. Sans doute qu’en attendant, il faudrait entourer les deux protagonistes, les encourager à persévérer avec Dieu, trouver le moyen de protéger l’Église contre les effets de leur mésentente.

Peut-être que Xavier va tout simplement refuser de rencontrer le pasteur. S’il a été invité à rencontrer les anciens – qui ne sont au courant de rien – peut-être refusera-t-il de le faire. Dans ce cas-là, le pasteur n’a pas besoin de parler du fond de l’affaire. Le pacte qui s’établit entre les membres implique qu’ils respectent l’autorité spirituelle des responsables. C’est peut-être même écrit dans le règlement intérieur. Et là, la procédure esquissée dans Matthieu 18 peut être enclenchée sans qu’il soit nécessaire de rompre le secret professionnel ou de parler de fautes dont on n’est même pas sûr. On se rappelle que le double but de Matthieu 18, c’est le plus grand bien du chrétien défaillant et la protection de l’intégrité de l’Église.

Si les faits sont avérés et qu’une Église est amenée à mettre en œuvre la procédure de discipline prévue par Matthieu 18, les responsables doivent rester dans le cadre de la loi. On en dira le moins possible en réunion publique.

La loi sur le secret professionnel connaît des exceptions
Jusque là, nous avons posé le principe du secret professionnel, qui est un principe presque absolu. Nous avons essayé de voir à qui il s’applique et comment, en pratique, une Église peut en tenir compte quand elle est confrontée à des problèmes personnels graves. Il faut maintenant dire que la loi du secret professionnel reconnaît des exceptions. Le secret peut parfois être rompu sans pour autant exposer le professionnel à des poursuites.

Une première exception concerne la non-assistance à personne en danger. L’article 223-6 du Code Pénal s’applique aussi aux personnes astreintes au secret professionnel :
Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.

Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

Une deuxième exception, non moins importante, concerne les sévices infligés à des personnes vulnérables. Les médecins et les travailleurs sociaux sont désormais tenus de signaler explicitement des faits de maltraitance. Il s’agit de sévices ou de privations qui ont été infligés à un mineur de quinze ans(6) ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique. Si la personne qui est l’objet de ces sévices est majeure, elle est en principe capable d’aller elle-même à la police. Des tierces personnes n’ont pas à se substituer à elle.

Le responsable d’Église peut estimer qu’il est tenu par le secret professionnel quand il s’agit de faits anciens. Mais il y a souvent un risque de récidive. Ce n’est donc pas seulement la loi sur le secret professionnel qui entre en ligne de compte, mais la loi sur la non-assistance à personne en danger. Si un professionnel apprend qu’un enfant, une personne handicapée, une personne âgée, ou une femme enceinte(7) est en danger, il doit rompre le secret et informer les services sociaux ou la police. Il ne sera pas en faute devant la loi(8). Si vous êtes confronté à ce genre de problème, ne vous dites surtout pas que c’est de la délation. C’est protéger des personnes vulnérables.

La révélation du secret peut aussi se justifier si le pasteur se trouve accusé injustement ou a été victime d’escroquerie de la part de quelqu’un, et que la révélation des faits litigieux soit indispensable pour établir son innocence. De même, le pasteur n’est pas en faute s’il apporte son témoignage en faveur d’une personne injustement détenue provisoirement ou jugée pour crime ou délit. Mais la loi ne lui impose pas de concourir à l’œuvre de justice (article 434-11 du Code Pénal).

Selon l’article 226-13 du Code Pénal, le pasteur est autorisé à se retrancher derrière le secret professionnel quand il s’agit de non-dénonciation de crimes déjà commis. Mais l’article suivant lève le secret professionnel dans certains cas selon les termes suivants :
L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :
1° À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique...

Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire…

Jusqu’à récemment, si un pasteur était interrogé par la police ou appelé à témoigner devant un tribunal, il avait le droit, voire le devoir, de garder le secret par rapport à des faits déjà commis. Les juristes notent que l’article 226-14 que nous venons de citer ne lève que les sanctions applicables en cas de non-respect du secret. Seulement, de façon générale, la loi actuelle rend obligatoire le signalement de sévices à enfants (article 434-3). Le 4 décembre 2001, il y a eu un cas célèbre à Caen où un évêque a été condamné à de la prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé un prêtre pédophile(9). L’évêque a estimé qu’il était soumis au secret ; la cour a estimé que ce qu’il avait appris l’a été dans le cadre d’une enquête et non dans le cadre des confidences ou du confessionnal(10). Un article paru le 29 octobre 2001 sur Internet La loi sur le secret professionnel pour les psychologues affirme que des procédures pénales ont été engagées pour non-dénonciation de crimes à enfants et non-assistance à personne en danger. Des condamnations parfois sévères sont intervenues, avec des incarcérations provisoires, même si des relaxes aboutissent en appel. Un texte de 2004 stipule qu’on ne peut opposer le secret à l’officier de police judiciaire, sauf motif légitime.

Le pasteur est vulnérable de deux côtés. Il pourrait être attaqué par un chrétien mécontent pour avoir divulgué un fait de la vie privée. Mais dans certains cas il pourrait faire l’objet de pressions policières ou judiciaires pour révéler ce qu’il sait. Il peut toujours être attaqué pour non-assistance à personne en danger.

Il me semble qu’ici les pasteurs sont moins bien protégés que les prêtres, qui peuvent, eux, s’en référer au droit canon et revendiquer comme un droit absolu le secret de la confession. Mais dans le climat actuel je ne sais pas si la République va toujours respecter le droit canon.

CONCLUSION

En guise de conclusion, j’aimerais vous laisser avec trois paires de mots qui peuvent paraître contradictoires mais que nous devons tenir ensemble :
• la fraternité dans l’Église  ET la discrétion,
• la discipline dans l’Église  ET le respect de la vie privée,
• le secret « professionnel » ET la défense des personnes vulnérables.

Que Dieu nous y aide !

Note : Pour consulter les textes de loi sur Internet, il suffit de taper Code pénal et le numéro de l’article : Google fera le reste !

ANNEXE

Déclaration sur la confidentialité
À titre d’exemple, voici la déclaration sur la confidentialité, adoptée par l’Église Évangélique Baptiste de Trifouillis-sur-Marne. Ce texte pourrait servir de modèle pour d’autres Églises qui souhaitent définir la déontologie sur le plan de la confidentialité.

Le pasteur et le secret professionnel
Les pasteurs sont soumis par la loi à l’obligation du secret professionnel. Dans le cadre de leur ministère ils n’ont pas le droit de divulguer ce qu’ils apprennent de la vie privée des gens, sauf si la personne concernée les y autorise. La violation du secret professionnel constitue une faute pénale.
Si vous souhaitez donc que vos nouvelles soient communiquées à la femme du pasteur, au collège des anciens ou à toute l’Église locale – ce qui se conçoit quand on demande par exemple la prière – il faut le dire explicitement.

La protection des personnes vulnérables
Si le pasteur pense avoir affaire à un cas où une personne vulnérable est en danger, il peut le signaler aux services sociaux voire à la police. Cela peut concerner un enfant, une personne âgée, une personne handicapée, une femme enceinte... Il a le devoir de dénoncer des sévices infligés à des mineurs.

Le secret partagé
Dans notre Église de Trifouillis-sur-Marne, comme dans d’autres, le collège des anciens est assimilé à un collège pastoral. S’il est nécessaire de le faire dans l’intérêt de la personne, un secret professionnel peut être partagé, tout en limitant les informations communiquées et le nombre de personnes mises au courant.

Droits et devoirs des membres
Les membres de l’Église ne sont pas tenus au secret professionnel. Comme tous les citoyens, ils ont l’obligation de porter secours à des personnes vulnérables qui peuvent se trouver en danger.
En devenant membres, [et suivant les statuts/le règlement intérieur] ils acceptent que les pasteurs et les anciens portent une responsabilité particulière pour leur bien-être spirituel et moral qui peut les amener à faire des recommandations, voire à exercer différentes formes de discipline, dans l’esprit de Matthieu 18. Dans ce cas, les responsables d’Église doivent agir avec discrétion et dans le respect de la loi.

Texte adopté par le conseil de l’Église le...

 

Auteurs
Gordon MARGERY

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1.
Rm 12.5 ; 1 Co 12.27.
2.
Cité dans Bulletin périodique d'information de l'aumônerie des prisons FPF, n°44, mars 2003.
3.
C'est-à-dire dévoilé.
4.
Voici ce que dit sur le secret partagé la circulaire Santé-justice du 21 juin 1996 : « Il convient, dans cette hypothèse, de ne transmettre que les éléments nécessaires, de s'assurer que l'usager concerné est d'accord pour cette transmission ou tout au moins qu'il en a été informé ainsi que des éventuelles conséquences que pourra avoir cette transmission d'informations et de s'assurer que les personnes à qui cette transmission est faite sont soumises au secret professionnel et ont vraiment besoin, dans l'intérêt de l'usager, de ces informations... »
5.
Voir article Le secret professionnel des ministres du culte, qui cite l'article 226-13 du Nouveau Code Pénal. Confirmation dans La loi sur le secret professionnel pour les psychologues et dans Bulletin périodique d'information de l'aumônerie des prisons FPF n°44, mars 2003.
6.
En clair, les moins de 16 ans.
7.
Article 434-3 du Code Pénal.
8.
Voir article Le secret professionnel des ministres du culte, qui cite l'article 226-14 du Nouveau Code Pénal.
9.
Les juristes estiment que ce cas est un cas d'espèce et que l'on ne peut pas généraliser à partir de ce dernier. Les pressions subies par un collègue me font penser que le climat est en train d'évoluer.
10.
Le secret professionnel est bien plus large que le secret du confessionnal.

Informations complémentaires

Pasteur de l’Église Baptiste (AEEBLF) de Faremoutiers, Seine-et-Marne (77).

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Commentaires

Petit Christian

17 March 2012, à 11:01

Sujet très bien traité très enrichissant.
Bien fraternellement.
Christian Petit

graine2moutarde

17 March 2012, à 17:44

C'est un sujet très important !

francoise

17 March 2012, à 19:39

C'est vraiment important d'être discret et faire attention à ce que nous disons !

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