Introduction
Le sujet est large… trop large pour être traité convenablement en quelques pages. Qui plus est, la thématique n’est pas nouvelle – elle a été, et est encore, souvent traitée et étudiée dans l’Église comme dans les divers lieux de formation théologique.
Comment donc procéder, sans tenter d’être exhaustif ni ressasser des vérités anciennes ? Une approche « traditionnelle » aurait, par exemple, proposé une relecture des textes fondamentaux relatifs à l’institution du mariage humain, Genèse 2 et de Matthieu 19 en tête (avec leur fameux triptyque « quitter, s’attacher, devenir une seule chair »). Bien sûr, la vision du mariage telle qu’elle est exprimée dans ces textes demeure d’actualité : elle est toujours aussi belle et nous sommes certainement loin d’en avoir épuisé les richesses. Cependant, nous avons choisi de présumer ces vérités, certes toujours bonnes à rappeler. Nous choisirons un autre angle.
La lecture d’un petit ouvrage récent, Le mariage, éclairages bibliques de Pascal Geoffroy(1), nous a en effet interpellés et aidés à formuler les choses différemment, de façon plus créative mais bel et bien ancrée bibliquement. L’auteur est un pasteur de l’EPUdF l’a écrit en vue de la préparation aux débats relatifs à la bénédiction de mariage de personnes de même sexe dans son union d’Églises. Nous avons donc choisi de partir de son point de départ : les textes bibliques faisant référence aux noces divines.
C’est une thématique, présente dans toute la Bible, celle du Dieu d’Israël qui fait alliance avec son peuple et qui vit avec lui une inlassable quête amoureuse. Du Dieu d’Israël qui se présente comme l’époux de son peuple qu’il appelle sa bien-aimée, son épouse. Du Dieu d’Israël qui se dit uni à son peuple comme un homme et une femme sont unis par les liens du mariage. On le sait, cette métaphore sponsale [qui a trait à l’état de couple], est omniprésente à travers les pages de la Bible, Ancien et Nouveau Testament. C’est à travers ces textes que nous allons tenter de répondre à la question suivante : comment la Bible présente-t-elle la vision de Dieu et ses aspirations pour le couple ?
Deux objections sur la démarche
Ce ne sont que des métaphores !
On pourrait rétorquer qu’il n’est pas question dans ces textes de véritable conjugalité humaine, mais bien d’une métaphore dont le but premier n’est pas de nous enseigner sur le sens du mariage ou de la conjugalité, mais sur la relation spécifique que Dieu veut entretenir avec son peuple, sa bien-aimée, son épouse elle aussi métaphorique.
C’est une objection importante. Pourtant, ce que nous allons tenter de démontrer, c’est combien, justement, cette métaphore des noces divines nous renseigne et nous enseigne sur le sens que les auteurs bibliques, tout inspirés qu’ils étaient, donnaient eux-mêmes à la conjugalité humaine véritable. Pourquoi ? Parce que la métaphore de l’union de Dieu avec son peuple, de son alliance ou de son mariage, nous révèle le type de relation idéale à laquelle Dieu aspire pour le couple humain. Comme le dit si bien Pascal Geoffroy : « Dans les Écritures, les noces de Dieu et de l’humanité vont peu à peu donner forme et contenu à l’institution du mariage » (p. 15). Les textes ayant trait à ces noces divines, très courants dans la littérature biblique, mettent chacun en exergue une ou plusieurs composantes de la conjugalité et montrent comment, in situ, Dieu pense, agit et réagit dans sa position métaphorique d’époux. Il y a donc ici un vecteur d’enseignement important, même s’il n’est pas direct mais secondaire. Dans cette métaphore biblique, nous découvrons un Dieu qui est, en quelque sorte, un époux idéal et en cela même un modèle pour les époux humains. Dans ses épousailles, Dieu est l’exemple parfait d’un époux aimant, fidèle et juste dans son rapport d’alliance avec son peuple. Et en cela, il nous apprend non seulement à quoi doit ressembler un bon époux, mais bien plus, il nous enseigne sur ce qu’un bon époux aspire, sur ce qu’il recherche et veut vivre dans un mariage épanoui.
Entendons-nous bien. C’est effectivement de façon subsidiaire que cette métaphore va nous renseigner sur une théologie biblique du mariage. Mais nous proposons qu’il y a dans cet angle d’étude une façon non seulement originale, mais surtout féconde, d’approcher notre sujet.
Ce sont des scènes de ménage !
Une autre objection possible serait de remarquer que, le plus souvent dans la Bible, c’est quand l’alliance entre Dieu et les humains est mise à mal quand il y a eu idolâtrie et désobéissance, donc infidélité, adultère) que les auteurs bibliques utilisent la métaphore conjugale. On discerne que les très nombreux textes évoquant les noces divines sont en fait des scènes de ménage entre Dieu et son peuple. C’est donc un point de départ quand même étonnant pour parler de conjugalité véritable et épanouie.
Mais de telles circonstances doivent-elles pour autant délégitimer notre approche ? En fait, n’est-ce pas justement quand tout va mal que les aspirations divines se font entendre, de façon claire et pressante ? Alors, pourquoi ne pas écouter ses « lamentations » et entendre à travers elles, ses aspirations, ses désirs, ses souhaits, son idéal ?
Les grandes thématiques liées aux noces divines
Dans ce qui suit, nous évoquerons donc quelques grands thèmes mis en avant dans les textes où la métaphore des noces entre Dieu et son peuple est présente. En retour, nous tenterons d’en tirer certains enseignements quant aux aspirations divines pour le couple humain. Certes, tous les textes – ils sont très nombreux ! – ne pourront être relevés. C’est donc sur quelques textes choisis que nous nous attarderons pour mettre en exergue les éléments les plus saillants de cette métaphore.
L’amour
Cela pourrait surprendre certains, ou sembler évident à d’autres, mais la première caractéristique des textes sur les noces divines, l’attribut premier qui en ressort, c’est que Dieu est un Dieu amoureux, éperdument amoureux de son épouse.
Oui, ceci est surprenant parce qu’aujourd’hui, l’amour romantique est considéré comme absolument fondamental pour le couple alors que cela n’a pas toujours été le cas. Certains couples puritains, par exemple, ou même au temps de la Réforme, étaient très loin de cette vision romantique du couple, que nous considérons pourtant comme « traditionnelle ». Cet amour n’était pas, jusque très récemment, la pierre angulaire du couple… Et ce n’est toujours pas le cas dans certaines sociétés, aujourd’hui encore.
Pourtant, dans les textes bibliques, le fait que Dieu aime son épouse est clairement la grande motivation pour ses paroles et ses actes envers elle. Osée 2.16-25 en donne un bel exemple :
« Eh bien, moi, je vais la séduire ; je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur.
De là, je lui donnerai ses vignes et la vallée d’Akor comme une porte d’espoir ; elle y répondra comme aux jours de sa jeunesse, comme au jour où elle monta d’Égypte.
En ce jour-là – déclaration du Seigneur – tu m’appelleras "mon Mari", tu ne m’appelleras plus "mon Baal".
J’ôterai de sa bouche les noms des Baals, on n’évoquera plus leurs noms.
En ce jour-là, je conclurai pour eux une alliance avec les animaux sauvages, les oiseaux du ciel et les bestioles de la terre. Je briserai l’arc, l’épée et la guerre, je les ferai disparaître du pays, et je ferai en sorte qu’ils puissent se coucher en sécurité.
Je te fiancerai à moi pour toujours. Je te fiancerai à moi par la justice et l’équité, par la fidélité et la compassion. Je te fiancerai à moi par la probité, et ainsi tu connaîtras le Seigneur.
En ce jour-là je répondrai, – déclaration du Seigneur – je répondrai au ciel, et il répondra à la terre ; la terre répondra au blé, au vin et à l’huile, et ceux-ci répondront à Jizréel.
Je répandrai pour moi de la semence dans le pays, et j’aurai compassion de Lo-Rouhama. Je dirai à Lo-Ammi : Tu es mon peuple ! Et il dira : Mon Dieu ! »
Dans ce texte bien connu, Dieu est un Dieu qui a été trahi par son peuple, son « amour de jeunesse ». Mais Dieu désire le reconquérir. Il désire revivre avec sa bien-aimée les premiers commencements de leur amour (v. 16, dans le désert). Et il va donc tout faire pour renouer ce lien, une nouvelle relation de confiance amoureuse. Pour cela, Dieu est prêt à tout. Pour la séduire de nouveau, il veut s’investir totalement, il est prêt à payer le prix fort. Il use de poésie, il est prêt à pardonner, à s’humilier lui-même, d’une certaine manière, pour pouvoir envisager un avenir fécond avec elle.
Dieu, dans ce texte, est amoureux et fidèle en son amour. Il est, de plus, un Dieu qui envisage son amour dans la durée. Quand bien même son épouse l’aurait trahi, abandonné, délaissé, son amour pour elle demeure. Dieu ne se lasse pas de la reconquérir. C’est elle qu’il aime, et dans son amour, il ne peut la laisser se perdre. Il ne peut envisager d’avenir sans elle.
C’est certainement sur ce point, nous semble-t-il, que nos sociétés occidentales ont énormément à apprendre de la révélation biblique. Aujourd’hui, l’amour, s’il est considéré comme base du couple et fondement d’une conjugalité épanouie, n’est que très rarement considéré comme pouvant durer. Nous l’entendons malheureusement dans certains accompagnements pastoraux vers le mariage, pour beaucoup de jeunes couples, l’amour entre eux est quelque chose qui risque de disparaître un jour. Et cette disparition marquera la fin inéluctable de leur union. Le jour où l’amour passera par une crise, faiblira, voire disparaîtra, le couple n’aura plus sa raison d’être. Il faudra qu’il cesse.
Face à cette vision insidieuse et omniprésente, Dieu démontre dans les Écritures que l’amour dans le couple est tout autre. Dieu montre qu’il n’abandonne pas si vite son couple dans sa déchéance. Lui décide d’œuvrer par amour, même s’il n’est plus aimé, même s’il est trahi, quand il aurait toutes les raisons d’abandonner sa bien-aimée à ses égarements. Dieu nous enseigne par l’exemple que l’amour se travaille, se reconquiert. L’amour n’abandonne jamais.
Le pardon
Ces courtes considérations sur l’amour dans le couple nous amènent à mettre les projecteurs sur une autre caractéristique qui ressort des textes de noces divines dans la littérature biblique : la capacité extraordinaire de Dieu quant au pardon. ...