Le mot « Christ » est parfois compris aujourd’hui comme le nom de famille de Jésus. Nom : Christ ; prénom : Jésus. Or, en grec, « Christ » signifie « oint » c’est-à-dire Messie. Christ se réfère donc dans la Bible à une fonction ou à un titre.
Jésus s’est-il affirmé lui-même comme le Messie d’Israël et en quel sens ? Pourquoi les disciples ont-ils privilégié ce titre pour se référer à lui ? Ces questions divisent les spécialistes, comme cela est apparu dans la fameuse émission télévisée Corpus Christi.
Le Messie attendu
Dans les évangiles, Jésus n’avait pas pour habitude de se présenter publiquement ou explicitement comme Messie(1). Pourtant, le témoignage du Nouveau Testament et des chrétiens depuis 2.000 ans est le même : Jésus était bel et bien le Messie tant attendu par le peuple juif. Pour expliquer ce paradoxe, il faut bien comprendre qu’à l’époque, la figure du messie n’était pas bien définie. Si le peuple l’attendait effectivement, les conceptions le concernant étaient nombreuses et variées. La plus populaire et répandue était celle d’un roi descendant de David qui devait venir restaurer le Temple et combattre le mal (les Romains, en l’occurrence) en faveur du peuple. Mais le peuple s’attendait aussi à un enseignant prophétique, à un prêtre, voire à une figure transcendante d’autorité divine.
Le Messie selon les disciples
Cette multiplicité des attentes expliquerait-elle l’ambiguïté avec laquelle Jésus lui-même s’est présenté ? En effet, puisque aucune ne correspondait exactement à la conception que Jésus se faisait de sa « messianité », il se devait d’expliquer sa propre compréhension.
Plusieurs fois dans l’évangile de Marc, Jésus demande à ceux qui se réfèrent à lui en termes de Messie, de ne pas le répéter(2). Il peut alors donner l’impression qu’il n’est pas sûr de l’être réellement(3). Et quand Pierre reconnaît solennellement en lui le Messie(4) la joie de l’illumination fait rapidement place à un sévère rappel à l’ordre de Jésus.
Le Messie selon Jésus
Juste après ce fameux épisode, Jésus explique à ses disciples qu’il est appelé à souffrir et à être mis à mort pour ensuite ressusciter !(5) Jésus reconnaît donc implicitement sa messianité, même si la conception qu’il a de son rôle est tout à fait décalée par rapport aux attentes populaires. Jésus n’est pas un Messie venant sur son grand cheval blanc pour monter une révolution et bouter les Romains hors de Palestine. Non, il vient en serviteur. Son combat est tout autre et sa victoire passera par sa mort. Sa faiblesse sera sa puissance, sa honte sa gloire. Or, ces idées n’avaient aucune place chez les contemporains de Jésus, pas même chez ses disciples. La preuve est que Pierre lui-même reproche à Jésus ses paroles…(6)
Finalement, tout porte à penser que Jésus s’est bel et bien présenté lui-même comme Messie. C’est à travers ses allusions, ses enseignements et ses paraboles qu’il a annoncé sa « messianité », en redéfinissant du même coup la notion même de « Messie ». C’est aussi et surtout à travers ses actes qu’il l’a montré, certes paradoxalement, mais de manière si puissante : en servant son peuple jusqu’à la mort sur la croix, et en le libérant ainsi de son vrai joug, celui du péché.