Introduction
Quand les chrétiens pensent à l’éthique, ils pensent généralement à la sexualité et aux questions relatives au début et à la fin de la vie. Il s’agit donc principalement de procréation, d’avortement, d’acharnement thérapeutique et d’euthanasie. Le premier défi d’une éthique chrétienne est donc de savoir élargir la réflexion à d’autres champs d’application, comme le monde du travail, l’argent, l’exercice du pouvoir, les relations nord-sud, le sexisme, l’évangélisation, etc. Alors que nous abordons la question des nouvelles conjugalités sous leur angle éthique, cette précision est importante pour deux raisons.
Premièrement, un vécu sain de la foi chrétienne nécessite une vision équilibrée de l’éthique. Par exemple, nous aurions tort de focaliser exclusivement notre attention sur l’éthique appliquée à la sexualité ou à l’avortement, alors que la première préoccupation éthique dans la Bible semble être l’argent et l’usage que nous en faisons. Il nous faut donc explorer les raisons pour lesquelles la sauvegarde de la création, l’accueil des réfugiés ou la protection sociale semblent être des préoccupations éthiques secondaires pour beaucoup de chrétiens, loin derrière la sexualité.
Deuxièmement, à trop nous focaliser sur un domaine éthique particulier, nous courons le risque de ne pas accorder assez d’importance à l’interaction entre les différents champs d’application de l’éthique, qui sont pourtant étroitement liés. L’argent et le travail ne font-ils pas partie des causes principales des difficultés conjugales ? Et pourquoi, quand nous parlons de sexualité ou d’homosexualité, le débat éthique mentionne-t-il si rarement l’éthique pastorale, ou l’éthique de l’évangélisation, qui devraient pourtant informer nos approches chrétiennes sur ces questions ?
Comment développer une éthique pertinente aux nouvelles conjugalités ?
L’éthique est le champ de réflexion qui nous permet de naviguer dans les eaux troubles des réponses aux questions difficiles : elle nous permet de savoir comment nous comporter et quels choix sont les plus justes alors que nous sommes partagés entre diverses conduites, voire tentés par l’une ou l’autre.
Si vous posez la question à des chrétiens : « Comment trouver les principes d’une bonne éthique chrétienne ? », beaucoup vous répondront sûrement « En cherchant dans la Bible ».
Or, la Bible ne nous dit pas ce qu’une Église doit faire si un couple homosexuel marié avec enfants se convertit et veut rejoindre la communauté. La Bible ne donne pas la marche à suivre pour deux jeunes homosexuels qui se tournent vers le Christ alors qu’ils habitent ensemble : peuvent-ils encore coucher sous le même toit ou pas ? Les responsables de l’Église peuvent-ils leur faire confiance s’ils disent qu’ils ne couchent pas (ou plus) ensemble ? La vraie vie a une fâcheuse tendance à nous placer dans des circonstances où un verset biblique ne suffit pas…
Quelqu’un de plus avisé répondra peut-être à cette question avec une phrase comme : « En cherchant à comprendre quelles seraient les priorités de Dieu dans ces circonstances. » Cette réponse nous avance un peu plus.
Que souhaite Dieu de moi quant à mes choix et mes comportements ? Pour un homosexuel, cette question va le mener dans certaines directions. Pour le pasteur aussi, mais au cœur de sa réflexion éthique, le pasteur ne répondra pas seulement par rapport à sa propre sexualité mais il réfléchira également ce que Dieu veut qu’il ou elle fasse de ses responsabilités pastorales.
Pourquoi une éthique solidement charpentée dans ce domaine est-elle si importante pour les responsables d’Église ? Parce que l’éthique est le champ de réflexion qui :
- nous permet de développer une approche engagée, dans l’amour et la vérité, même dans les situations morales les plus complexes,
- nous aide à éviter la pire des issues en choisissant ce qui est parfois la moins mauvaise de plusieurs issues insatisfaisantes,
- nous aide à vivre avec nos manquements et nos limites.
Les priorités du travail pastoral dans ce domaine
Le but, ici, n’est pas de creuser la réflexion sur le rôle précis du pasteur. De facto, la plupart des pasteurs jouent aujourd’hui dans nos pays plusieurs des rôles décrits par Paul dans Éphésiens 4.11 :
« C’est lui qui a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs. »
Quel que soit son don particulier, le pasteur doit pouvoir répondre à la question « Comment vais-je être pasteur pour cette personne ? », et dans le cas qui nous intéresse, « Comment vais-je être pasteur pour cette personne homosexuelle ? »
Dans cette situation, d’autres questions se poseront rapidement, comme :
- La priorité divine est-elle que cette personne soit sauvée ou qu’elle renonce à sa pratique homosexuelle ?
- Pourquoi ce couple homosexuel demande-t-il la bénédiction de Dieu sur son union ?
En répondant à ces questions, nous ne devons pas oublier que Jésus-Christ n’est pas mort et ressuscité pour transformer les homosexuels en hétérosexuels, mais pour que les hommes, les femmes et les enfants soient pardonnés, réconciliés avec Dieu et sauvés.
Nous entendons parfois dire « Oui, mais les chrétiens ont un devoir d’annoncer la vérité biblique sur la question de l’homosexualité ». Je suis d’accord avec cette affirmation, d’une certaine façon, mais je n’ai jamais rencontré un homosexuel qui se soit converti parce qu’on lui a annoncé la vérité biblique sur l’homosexualité. Par contre, j’en connais plusieurs qui se sont convertis parce qu’ils ont entendu la Bonne Nouvelle de l’Évangile.
L’éthique nous aide à aborder les grandes questions sans réponse
Nous nous simplifions la tâche si nous posons des questions aussi claires que possible dans ce domaine. Dans le débat éthique actuel concernant l’homosexualité et les nouvelles conjugalités, quelques questions semblent s’imposer comme prioritaires :
- Pourquoi affirmons-nous que les pratiques de l’homosexualité et des autres sexualités alternatives relèvent de l’ordre du péché ? Parmi les différents éléments de réponse à cette question, il nous faut accentuer le fait que tant qu’un comportement est péché, il est pardonnable.
- Comment éviter de tomber dans les extrêmes opposés de la condamnation sans grâce et de l’acceptation sans questionnement ? Ces deux positions fédèrent de très nombreuses personnes. Or, elles ont en commun de couper court au dialogue et de ressembler à de la paresse intellectuelle et relationnelle.
- Maintenant que le mariage homosexuel est une réalité dans plusieurs de nos pays européens, à quoi ressemblerait une réponse pastorale appropriée ? Cette question se pose, bien sûr, selon deux axes principaux : ...