Maëlle (35 ans) et Brice (37 ans) sont mariés depuis une dizaine d’années et parents de deux jeunes enfants. La famille est bien intégrée au sein d’une assemblée évangélique.
Lors d’un entretien avec son pasteur, Maëlle lui confie que leur couple est en difficulté. Elle reproche à son conjoint son manque d’investissement auprès des enfants, et son irritabilité qui rend difficile leur communication. Brice refuserait d’en discuter avec un tiers extérieur à leur couple. La situation semble bloquée, et la tension qui s’installe dans leur quotidien met en difficulté le couple. En s’ouvrant à son pasteur, Maëlle souhaite que ce dernier rencontre Brice pour discuter de cette situation.
Plusieurs questions émergent alors d’une telle situation : que peut signifier cette crise du couple ? Quelle approche le pasteur peut-il adopter lorsqu’un seul des conjoints prend l’initiative d’en parler avec lui ? Est-ce à lui d’accompagner ce couple, ou doit-il les orienter vers un conseiller conjugal et familial ?
1. Comprendre la crise du couple
À quoi fait-on référence lorsque l’on parle de crise du couple ? Qu’elle se manifeste sous la forme d’un conflit ouvert ou d’une « guerre froide », qu’elle soit cyclique ou de longue durée, Alberto Eiguer(1), psychiatre et spécialiste dans les thérapies psychanalytiques de couple et famille, suggère :
« La crise est, bien que liée aux circonstances déclenchantes, l’effet de processus internes et profonds touchant le groupe et les individus concernés, où le travail psychique représente une synthèse nouvelle ; celle-ci est pour beaucoup imprévisible. »
Alberto Eiguer relève quelques constantes de la crise du couple qui aident à sa compréhension :
- La perception d’un sentiment d’étrangeté qui conduit à la rupture du sentiment d’identité et de l’aperception de l’autre : on entend par exemple dire : « Je ne le/la reconnais plus ! Il/elle me fait découvrir des facettes de sa personnalité qui m’étaient inconnues jusqu’à présent. »
- Les affects ressentis sont de nature indéfinie : on observe une alternance rapide des sentiments contraires (amour/haine) d’où une certaine confusion empreinte de l’angoisse de perdre son couple.
- Les limites extérieures sont effacées : on croit que les personnes extérieures au couple deviennent envahissantes.
- La rivalité et la concurrence s’installent : revendications de toute sorte, reproches sur l’intention tyrannique de l’autre : « Tu m’empêches d’être moi-même ! » ou « Tu ne supportes pas de me voir m’épanouir au plan professionnel ! », etc.
- Mise en cause du lien : complicité, intimité, partage, satisfaction d’être ensemble, etc. sont mis en cause : « Qu’est-ce que l’on fait ensemble ? » La crise engendre un sentiment de rupture en même temps que d’arrêt de l’écoulement du temps : passé, présent et avenir se télescopent.
L’ordre d’énumération de ces éléments n’a pas d’importance d’autant que la réalité est souvent plus complexe. Face au couple en crise, quelle approche le pasteur peut-il mettre en place ?
2. Quelle approche pastorale face au couple en situation de crise ?
Écouter et accueillir la plainte
La crise de couple, parce qu’elle met en difficulté le lien conjugal, est génératrice de souffrances. Lorsqu’un conjoint sort du huis clos du duo conjugal pour partager sa souffrance, c’est d’abord pour ...