En France, tous les deux jours et demi, une femme meurt tuée par son conjoint (ou son ex). En 2019, 150(1) ont été tuées : 70 % par arme blanche ou à feu, 30 % suite à des coups. C’est la première cause de mortalité féminine, avant les accidents routiers. De plus, en 2018, 217 femmes brutalisées se sont suicidées. Ces chiffres ne sont pourtant que la partie la plus visible d’un phénomène de beaucoup plus grande ampleur. Si l’on tient compte des violences verbales, psychologiques, économiques ou spirituelles, on estime que deux millions de femmes (une sur dix) vivent sous emprise ; et ce chiffre semble encore en dessous de la réalité. Chaque année 220 000 femmes (18-75 ans) déclarent subir de manière répétée des violences conjugales physiques et/ou sexuelles. Et quatre millions d’enfants sont exposés aux maltraitances conjugales.
Selon la Commission européenne, 98 % des conjoints tués sont des femmes, 2 % des hommes(2). Les chiffres sont similaires partout en Europe.
Ajoutons qu’en 2020, les mois de confinement dus à la Covid-19 ont provoqué une aggravation des sévices intrafamiliaux, comme l’atteste l’augmentation des signalements.
La violence conjugale concerne des personnes de tous âges, de tous milieux socioprofessionnels, ethniques et même religieux. Oui, malheureusement, ces maltraitances existent aussi au sein des Églises !
Face à ce drame, il est essentiel de se former, de s’informer et de mieux accompagner les victimes, à commencer par les femmes et les enfants de nos Églises touchés par ce fléau.
Nous avons voulu ce hors-série pour les pasteurs, anciens, diacres, responsables spirituels et, plus largement, pour tous les chrétiens qui désirent venir en aide aux victimes. Les personnes qui travaillent dans les domaines social, éducatif, médical, paramédical, judiciaire et psychologique y trouveront aussi des informations précieuses.
Cet ouvrage comporte trois parties.
La première définit la violence dans le couple et propose un parcours dans les Écritures. Nous avons souhaité deux regards différents sur les textes bibliques, deux lectures bien représentées dans nos communautés évangéliques, mais qui affirment unanimement qu’aucune maltraitance au sein du foyer ne peut se justifier sur un fondement biblique.
La deuxième partie touche à la théologie pratique. Elle propose des témoignages forts, explique pourquoi nous avons si longtemps ignoré ce drame, démasque les faux raisonnements, offre des pistes concrètes, notamment pour les moniteurs et monitrices qui accompagnent les enfants, informe sur l’accompagnement social et judiciaire des victimes, et balise le terrain sur la difficile question du secret professionnel.
La troisième partie est une boîte à outils qui voudrait inciter à aborder la question en Église : prédication, liturgie, parcours biblique, bibliographie (d’autres ressources sont disponibles sur le site de la FEEBF(3)). Car cet ouvrage ne se conçoit pas comme un livre que l’on referme après lecture, mais comme un outil à garder à portée de main.
Ce hors-série souhaite être un jalon sur la route de la prise de conscience et offrir un meilleur équipement aux chrétiens, en particulier évangéliques, face à cette souffrance. D’autres initiatives existent et nous nous en réjouissons ! Encourageons et soutenons les foyers d’accueil de victimes comme à l’ABEJ de Beauvais ou l’ABEJ-Solidarité à Lille pour l’accueil des enfants ; les centres prenant en charge les auteurs de violence comme la Fondation de l’Armée du Salut à Belfort et Mulhouse ; les initiatives de sensibilisation comme l’association Une place pour elles (http://uneplacepourelles.weebly.com) ; les formations pour un meilleur accompagnement des victimes de violence conjugale(4).
Du côté de la Fédération baptiste, un engagement à lutter contre ce fléau a été pris depuis le Congrès de 2018(5). Un groupe de travail a été constitué par le Conseil de la FEEBF. Les membres de ce groupe ont piloté la réalisation de ce hors-série.
Ce groupe de travail a également réalisé en 2019 une brochure illustrée intitulée « Ensemble contre les violences conjugales. Les identifier pour agir dans les Églises(6) » dans laquelle on trouve une charte d’engagement contre les maltraitances dans le couple, proposée aux Églises. En voici un extrait(7) :
« Notre Église affirme que la violence conjugale dans toutes ses formes est inadmissible, injustifiable et irréconciliable avec la foi chrétienne. »
Nourris de cette conviction, nous prions que le Seigneur nous pousse à l’action, nous empêche de demeurer spectateurs, lui qui nous a dit : « Rendez la force aux bras fatigués, affermissez les genoux qui chancellent » (Es 35.3), lui qui ne cesse de porter « à bout de bras, tout au long de leur histoire » (Es 63.9) celles et ceux qui crient dans sa direction.