De 1652 à 1656, Pierre Corneille (1606-1684) va traduire et publier « L’imitation de Jésus-Christ », célèbre ouvrage de piété du 14ème siècle dû au flamand Thomas A. Kempis.
A partir du texte latin, Corneille se livre, à une méditation personnelle qui tient à la fois de la traduction, de l’adaptation et du commentaire. Il joint ainsi à sa traduction en vers des paraphrases commentant les pensées tourmentées et les faiblesses d’un humble chrétien.
Voici quelques cantiques, tirés de l’Imitation de Jésus-Christ, mise en vers par Pierre Corneille :
Parle, Parle Seigneur
Parle, parle, Seigneur, ton serviteur écoute :
Je dis ton serviteur, car enfin je le suis ;
Je le suis, je veux l'être, et marcher dans ta route,
Et les jours et les nuits.
Remplis-moi d'un esprit qui me fasse comprendre
Ce qu'ordonnent de moi tes saintes volontés,
Et réduis mes désirs au seul désir d'entendre
Tes hautes vérités.
Parle, parle, ô mon Dieu ! ton serviteur fidèle
Pour écouter ta voix réunit tous ses sens,
Et trouve les douceurs de la vie éternelle
En tes divins accents.
Parle, pour consoler mon âme inquiétée ;
Parle, pour la conduire à quelque amendement ;
Parle, afin que ta gloire, ainsi plus exaltée,
Croisse éternellement !
O Dieu de vérité
O Dieu de vérité, pour qui seul je soupire,
Unis mon cœur à Toi par de forts et doux nœuds !
Je me lasse d'ouïr, je me lasse de lire,
Mais non pas de te dire ;
C'est Toi seul que je veux !
Parle seul à mon cœur, et qu'aucune prudence,
Qu'aucun autre docteur ne m'explique tes lois ;
Que toute créature, en ta sainte présence,
S'impose le silence
Et laisse agir ta voix !
Tiens-Toi près de mon âme, et dans ma solitude,
Viens remplir de ta paix le vide de mon cœur.
Dissipe mes ennuis et toute inquiétude,
Et que ma seule étude
Soit de t'aimer, Seigneur !
Tu me réponds, mon Dieu ! mais encor des nuages
Me voilent tes splendeurs, céleste Vérité !
Que ne puis-je bientôt, sur de plus purs rivages,
Par delà tous les âges
Contempler ta beauté !
Source de tous les biens
Source de tous les biens où nous devons prétendre,
Aimable et doux Sauveur !
En mon cœur suppliant daigne aujourd'hui répandre
Les dons de ta faveur.
De toutes mes langueurs, de toutes mes faiblesses
Tes yeux sont les témoins ;
Et du plus haut du ciel d'où Tu fais tes largesses,
Tu vois tous mes besoins.
Tu sais quels biens surtout sont les plus nécessaires
A mon cœur abattu,
Et combien, dans l'excès de toutes mes misères.
Je suis pauvre en vertu.
Je me tiens à tes pieds, chétif, nu, misérable,
J'implore ta pitié ;
Et j'attends, quoique indigne, un effort adorable
De ta grande bonté.
Daigne, daigne repaître un cœur qui ne mendie
Qu'un morceau de ton pain,
De ce pain tout céleste et qui seul remédie
Aux rigueurs de la faim.
Deviens tout son amour, toute son allégresse,
Tout son bien, tout son but ;
Deviens toute sa gloire et toute sa tendresse,
Comme tout son salut.
Source : « Sur les Ailes de la foi », cantiques n° 188, 186, 28.