Thomas a Kempis (1379- 25 juillet 1471)
Thomas a Kempis est parti de Kempen, près de Cologne, en Allemagne, et il est arrivé à Deventer, en Hollande, s'attendant à ce que son frère John le reçoive chaleureusement, mais il découvre que son aîné était parti deux ans ! Thomas a dû parcourir encore une grande distance jusqu'à Windesheim pour le rejoindre. John s'est arrangé pour que Thomas étudie avec les Frères de la vie commune à Deventer.
Les Frères de la Vie Commune ont chaleureusement accueilli Thomas dès son arrivée. Ecœurés par la corruption du catholicisme de leur époque, ils avaient développé une forme de discipline connue sous le nom de « nouvelle dévotion ». Leur objectif était de vivre le plus possible comme les premiers chrétiens. Ils exaltaient le Christ, travaillaient pour subvenir à leurs propres besoins et contribuer à un fonds commun. Ils ne prononçaient aucun vœu, mais volontairement choisissaient la pauvreté, la chasteté et l'obéissance. Certains vivaient à la maison, tandis que d'autres vivaient dans des communautés. C'est parmi ces gens humbles et dévots que Thomas a été formé.
Sous leur tutelle, Thomas devient prêtre. Il montra une aptitude à copier des manuscrits et cela devint sa vocation. Il a transcrit la Bible à quatre reprises- une entreprise énorme quand on considère qu'elle contient plus de 800 000 mots. Parallèlement, il rédige ses propres écrits, dont des biographies de saints et une chronique de sa communauté, le monastère Augustinien de Mont Sainte Agnès, près de Zwolle. Cependant, le livre le plus étroitement lié à son nom est un classique de dévotion : L'Imitation du Christ.
L'Imitation de Jésus Christ, un petit livre de spiritualité chrétienne qui marque profondément le christianisme de la fin du moyen âge (« La dévotion moderne ») et prépare à sa manière la Réforme (centrée entièrement sur la relation personnelle au Christ, tout en relativisant l'église et même les sacrements).
Puisqu'il l'a publié de manière anonyme, il a été attribué à de nombreuses autres personnes. Certains chercheurs contestent encore sa paternité, mais la plupart l'acceptent. L'utilisation de mots inhabituels dans le livre ressemble à celle des autres manuscrits d'A Kempis. Des copies existent avec son nom, et plusieurs personnes qui l'ont connu personnellement ont parlé de lui en tant qu’auteur.
Comme on pouvait s'y attendre de la part de quelqu'un élevé dans la Nouvelle Dévotion, L'Imitation du Christ encourageait la dévotion mystique au Sauveur. Par exemple, dans son chapitre intitulé « Du zèle dans la réforme de nos vies », il écrit :
"Le baptême représente votre profession, qui est de suivre l'exemple de notre Sauveur et d'être rendu semblable à lui ; et pourtant, après avoir été appelé chrétien pendant tant d'années, vous êtes encore trop loin de l'être, si "mourir au péché et vivre pour la justice", comme votre Jésus est mort et ressuscité pour vous, est ce qui fait un chrétien et le distingue des autres hommes".
Thomas a Kempis mourut le 25 juillet 1471, après avoir mené une vie tranquille et utile. C'était ce qu'il voulait, car il est cité comme ayant dit : "« en toutes choses j'ai cherché la paix et ne l'ai point trouvée, sauf dans les livres et le retrait du monde ».
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John Stott dans son livre « Le Christ incomparable » (LLB 2004, p 127s), pose la question : Que manquait-il dans le livre de Thomas a Kempis ?
1. « En premier lieu, Thomas avait-il saisi l’essence de l’invitation de l’Evangile qui ne constitue pas une invitation à faire de bonnes œuvres en imitation de Christ, mais d’abord à mettre sa confiance dans la crucifié reconnu comme Sauveur ?
Il ne semble pas avoir eu une quelconque assurance d’être accepté par Dieu, car il a vécu dans la crainte perpétuelle du Jugement, du purgatoire et de l’enfer.
De plus, ses références à l’amour en relation avec le Christ sont presque toujours celles de son amour pour Christ plutôt que de l’amour du Christ pour lui. Il ne cite jamais ces grandes affirmations : « L’amour du Christ nous presse » (2 corinthiens 5.14) ou « Rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ (Romains 8.35-39).
2. Ensuite, Thomas avait-il compris le chemin de la sainteté ?
Qui ne consiste pas à imiter Christ mais à être uni avec lui. Il s’agit moins de vivre comme Christ que d’avoir le Christ vivant en moi. Comme James Stalker l’a dit : « Tout l’enseignement de Paul tourne autour de deux pôles ; la justice par la mort du Christ pour nous et la sainteté par la vie du Christ en nous ».
3. De plus, Thomas avait-il saisi le contexte de l’éthique chrétienne ?
Pour citer à nouveau Stalker, disons que le contexte de Thomas était celui du « petit monde monotone du cloître ». Mais dans le contexte du Nouveau Testament, la vie chrétienne est l’arène bruyante, provocatrice, stressante, des lieux de travail et du marché. Il est vrai que « nous sommes étrangers e voyageurs sur la terre (une affirmation de 1 Pierre 2.11 que Thomas cite à plusieurs reprises), mais cela n’impose pas le retrait que suppose Thomas.
« Désire seulement la communion de Dieu, écrit-il, « et de ses saints anges ; évite les relations humaines ».
Ou encore « Fuis les passions et le tumulte du monde autant que tu le peux ». il voit les chrétiens « complètement immergés », non dans le monde, mais « en Dieu ». car à ses yeux ; les plus grands saints se soustraient à la société des hommes, et choisissent de vivre plutôt pour Dieu dans la solitude. Il ajoute : « … comme fit Jésus ».
Nous sommes ici devant un désaccord complet ou une incompréhension profonde. Jésus a effectivement cherché la solitude pour se reposer ou prier… mais dans le seul but de retourner fortifié, vers les exigences de son ministère public.
4. Enfin, Thomas avait-il saisi les implications de l’Imitation ?
L’Imitation de Jésus-Christ est le titre populaire qui a probablement beaucoup contribué à sa popularité. Mais celui qui en commence la lecture en est rapidement déçu parce qu’il ne traite pas le sujet comme le fait le Nouveau Testament.
Pour parler de suivre Jésus, Thomas s’y réfère seulement en parlant de charger sa croix et d’endurer les souffrances en imitation de Jésus. Où donc est une quelconque référence :
- à l’humilité du Christ dans son incarnation et sa mort (Philippiens 2. 5-8) ;
-d’aimer les autres comme le Christ nous aime (Ephésiens 5.2) ;
-ou de pardonner aux autres comme Dieu nous a pardonnés en Christ (Ephésiens 4.32) ;
-de nous purifier nous-mêmes comme lui-même est pur (1 Jean 3.3) ;
-de suivre ses pas en supportant les afflictions imméritées sans représailles (1 Pierre 2.18-21) ;
-ou d’aller dans le monde en mission, comme il a été envoyé par le Père (Jean 17.18 ; 20.21) ?
Les grands thèmes du Nouveau Testament qui établissent ce que signifie imiter Jésus sont absents du livre de Thomas, ce qui l’appauvrit d’une manière considérable.
On souhaiterait que Thomas se soit tenu plus étroitement à l’enseignement du Nouveau Testament sans dissocier Christ le Sauveur et Christ l’exemple (1 Pierre 2.2, 2’), Christ pour nous et Christ en nous, l’appel à suivre Jésus à al fois dans le retrait et dans l’engagement ».