23 janvier 1872. Le pasteur John Jenkins et la langue bretonne
Les protestants ont beaucoup travaillé sur les traductions de la Bible en breton et à sa diffusion.
C'est par le lien interceltique que l’aventure de la traduction de la Bible en breton a commencé. En 1810 le pasteur anglican Gallois Thomas Price, (« Carnihanwc » de son nom de barde), découvre que les prisonniers bretons détenus sur des pontons anglais ignorent tout de la Bible. Ce constat fit grand bruit au Pays-de-Galles, et aboutit à une prise de conscience du besoin des celtes d’Armorique, ces « Gallois de France », en textes bibliques dans leur langue. Le pasteur méthodiste David Jones, lors d’un voyage en France rencontra à Angoulême le Grammairien breton catholique J. F. Le Gonidec (1775-1838) qui reçut en 1824 de la Société Biblique Britannique et Étrangère (fondée en 1804) une commande pour 1000 exemplaires du Nouveau testament en Breton. Celui-ci paraîtra effectivement en 1827.
La commande sera renouvelée pour la traduction de l’ensemble de la Bible qui sera achevée en 1835, mais ne sera publiée qu’en 1866, bien après la mort de Le Gonidec. Un missionnaire baptiste gallois, John Jenkins 1807-1872, arriva à Morlaix en 1834 pour répandre ce Nouveau Testament « Le Gonidec ». Il diffusa avec celui-ci, un abécédaire qu’il avait conçu et imprimé dès 1835, œuvrant ainsi à l’amélioration du taux d’alphabétisation des campagnes. Il organisa même plus tard des classes itinérantes en breton.
Mais il réalisait que la version de Le Gonidec était difficile à comprendre pour les bretons du Léon ou du Trégor. Il décida donc de faire une nouvelle traduction, avec l’aide du conteur fabuliste de Trémel Guillaume Ricou (1778-1848). Cette nouvelle version du Nouveau Testament en breton fut publiée en 1847 à 3 000 exemplaires (elle connaîtra cinq autres éditions de plusieurs milliers d’exemplaires chacune). John Jenkins donnera une orientation résolument bretonnante à l’église qu’il fonda à Morlaix, et son fils Alfred (1846-1924) gardera cette orientation dans les annexes qu’il sera amené à créer (le Diben, Lanneanou, Le Guilly en Poullaouen…).
Le pasteur de Morlaix restait lié, pour ses travaux en breton, aux celtisants de tous bords, tant au Pays de Galles qu’en Bretagne. C’est ainsi que John Jenkins participa aux côtés de MM. Geslin de Bourgogne, La Villemarqué, La Borderie, du Cleuziou , Martin de Fréminville, S. Ropartz, Fr. M. Luzel … à l’organisation du premier congrès celtique international tenu à Saint-Brieuc en 1867. Il intervint dès le premier jour pour retracer l’historique de l’Eisteddfod gallois (fête culturelle traditionnelle), tout en montrant son intérêt actuel. Il fit ensuite une seconde communication portant sur ses propres travaux, relatifs à la parenté des diverses langues celtiques.
Le pasteur Jenkins ne cessera de produire des textes évangéliques en breton. L’année même de sa mort en 1872, il travaillait encore à la composition et publication de cantiques en breton, comme nous l’apprend une lettre qu’il écrivait le 23 janvier 1872 à Henri Gadoz, le directeur de la Revue Celtique. Yves Le Berre, auteur d’ouvrage sur la langue bretonne, dit de John Jenkins qu’il « a joué un rôle important dans le développement de la connaissance de la lecture du breton dans les classes paysannes ».
Son fils Alfred Jenkins fut à l’origine en 1887 d’une importante révision du Nouveau testament en breton (avec l’aide de bretonnants comme Fr. M. Luzel).