22 juin 1932…L’École Évangélique Baptiste du Guilly (1897-1930)
Le Guilly est un petit hameau isolé de la campagne bretonne, situé à environ six kilomètres du bourg de Poullaouen. Les habitants étaient surnommés « Les loups du Guilly ». Ces loups chassaient en meute et n’avaient besoin de rien ! Mais quand on leur posait la question, « Qu’est ce qu’on peut faire pour vous ? », ils répondaient invariablement: « Une école ! »
Alfred Jenkins le pasteur de Morlaix vit là une opportunité pour l’évangile et puisque c’était avant tout une affaire de finances il alla en Angleterre pour collecter les fonds. Et c’est ainsi qu’une construction en fer fut apportée de Londres en décembre 1897 et qu’une école fut construite.
Au départ, cette école avait pour instituteurs et évangélistes M. Chopin et sa femme. La progression spectaculaire des effectifs devait beaucoup à la valeur personnelles de ces deux instituteurs.
On peut imaginer sans peine, le petit corridor avec les nombreux porte-manteaux, de temps en temps la leçon de choses qui se faisait dans le jardin, tandis que les petits désherbaient les allées, la salle de classe avec ses nombreux pots de fleurs, ses gravures et ses cartes, le grand feu à colonne qui trônait au milieu de la classe, les tables en sapin qui avaient plus de deux mètres de long, la bibliothèque qui dégorgeait de lourds volumes de toutes sortes... On peut penser que souvent dans les fermes et les chaumières et surtout durant les longues soirées d’hiver, le père ou le grand frère parcouraient « le livre de bibliothèque ».
A l’école, une partie importante du temps était consacré à l’enseignement religieux. Les élèves pouvaient au dessous du tableau, une Bible ouverte avec les deux alexandrins suivants :
Au mal comme au carcan l’ignorant est rivé.
Mais quiconque sait lire est un homme sauvé.
La journée débutait par une prière et par une leçon biblique et une explication d’un passage du « Voyage du pèlerin » de Bunyan. Il y avait en plus deux heures hebdomadaires d’étude biblique. On chantait beaucoup de cantiques. M. Chopin avait écrit « La chanson du Guilly ». L’école ne recevait aucune aide gouvernementale mais le programme et le niveau d’enseignement étaient strictement conformes aux normes officielles. Depuis 1900, l’école recevait une subvention de la Société pour l’encouragement de l’Instruction Publique pour les Protestants de France, la SEIPF…
Culte en breton un dimanche sur deux ! Ici pas d’antagonisme stérile entre la langue de la petite patrie et celle de la grande.
On s’en doute, tout cela n’allait pas sans opposition… Cette « évangélisation » par la scolarisation des enfants au Guilly ne donna donc pas tous les résultats escomptés.« …La plupart des adultes, disait Alfred Jenkins, de notre population ne savent pas lire, de plus par nature, ils sont lents et conservateurs, et en outre, ils ont l’esprit de clan. Ils sont soumis aux liens familiaux, et peu habitués à agir seuls quand il s’agit de mobiles de conscience »…
Il faut citer parmi les familles de convertis, celle du meunier de Conval, Pierre Ropars qui parcourait de grandes distances, été comme hiver, malgré les chemins impraticables, pour emmener ses enfants à l’école du Guilly. Ses enfants, Hervé, Catherine, Jeanne et Marguerite toutes trois institutrices, peuvent être cités parmi les fruits visibles de l’œuvre scolaire entreprise au Guilly. Mlle Catherine Ropars s’engagera dans l’Armée du Salut. Mlle Jeanne Ropars (1903-1987) fit toute sa carrière d’institutrice au Guilly. Elle avait débuté en octobre 1924 et, comme tous les jeunes maîtres par les petites classes. « J’exerce à l’école du Guilly depuis un an ; j’y ai débuté en octobre 1924, je suis encore un peu novice, cependant je connais suffisamment l’esprit de l’école car j’en suis une ancienne élève… ». Elle avait été formée, comme ses sœurs, à l‘École supérieure d’institutrices protestantes de Boissy-Saint-Léger, qui pendant près d’un siècle (1857-1952) avait préparé plus d’un milliers d’institutrices au Brevet Supérieur (on disait le B.S.) avec d’excellents résultats. Célibataire, comme la grande majorité de ses consœurs institutrices, elle était comme ces dernières, surveillée par les commères du village et devait avoir une vie transparente. Elle était triplement pénalisée : par la modestie de ses origines, de son traitement et de ses convictions religieuses.
Le 22 juin1932 l’acquisition par la commune de Poullaouen de l’École évangélique Baptiste et de ses dépendances est déclarée d’utilité publique par le préfet du Finistère. L’école avait été cédée à l’état à la condition qu’une école publique y soit construite. Jeanne Ropars continuera d’exercer dans la nouvelle école. Et à y bêcher son jardin.
Reste l’exemple d’une église qui sut se mettre à l’écoute des besoins de ses contemporains.
Saura-t-on jamais l’aide apporté par les enfants du Guilly aux maquis installé dans la région dans la région durant la dernière guerre...