22 février 1689. Esther de Jean Racine
En 2024, on commémore les 325 ans de la mort du poète et dramaturge français Jean Racine (1639-21 avril 1699). Il est l’auteur entre autres d’Esther, une tragédie inspirée de la Bible. Le thème est issu d’un livre de l'Ancien Testament : une jeune femme va frôler la mort afin que son peuple vive. Cette pièce a été écrite pour le collège de jeunes filles de Saint-Cyr et jouée en janvier 1689 (1).
Amour de la Bible
L’auteur réussit à faire partager son amour de la Bible tout en faisant de la bonne littérature ! En cela il doit beaucoup à l’éducation qu’il a reçue à Port-Royal, surtout à Lemaistre de Sacy, le traducteur d’une belle version de la Bible dont le livre d’Esther a été communiqué au poète trois ans avant la représentation de la pièce. Sacy a rédigé également une solide introduction qui insiste sur l’authenticité de l’histoire et sur l’action de Dieu dans cette histoire, ainsi que sur la force de la vie spirituelle et de l’obéissance des deux personnages principaux, Mardochée et Esther.
Racine met tout cela en valeur. Ainsi, la prière d’Esther montre une jeune femme capable grâce à sa foi de vaincre sa peur. Lorsque le choeur se retire, Esther, seule s’abandonne à Dieu. Le passage au tutoiement établit un lien filial entre l’héroïne et son Dieu :
« Ô mon souverain Roi !
Me voici donc tremblante, et seule devant toi » (2).
La poésie biblique
La mémoire de Racine est saturée de textes bibliques : on peut trouver la référence de plus de 300 textes ! Racine réussit à transporter dans la langue française classique quelque chose des beautés de la Bible. L'atmosphère biblique est créée par l’empoi du paralllélisme de la poèsie hébraïque, des noms bibliques et par la similitude avec les textes de la Bible :
«Liban, dépouille-toi de tes cèdres antiques »,
«Réjouis-toi, Sion, et sors de la poussière»
«Ô mont de Sinaï, conserve la mémoire
De ce jour à jamais auguste et renommé ».
Le fidélité au texte
Racine va également préserver le sens du livre dont est né une fête juive, Pourim. Cela tranche avec la mentalité de l’époque qui, bien que concentrée sur l’éradication de la religion protestante, n’en est pas moins hostile aux Juifs (3). On ne peut pas s’empêcher de penser, en voyant la menace d’extermination pesant sur les Juifs de Suse dans les années 460 avant notre ère, au génocide perpétré au 20e siècle contre ce même peuple (4).
Quand on lit Esther, on remarque aussi un mot qui revient souvent : « la paix . Cela traduit sans doute quelque chose de la conscience de Racine : après une vie agitée, il a retrouvé la foi de sa jeunesse et une conscience tranquille (5).
(1) Madame de Sévigné écrt à Madame de Grigan (22 février 1689) : « Je ne puis dire l’excès d’agrément de cette pièce ; c’est un rapport de la musique, des vers, des chants, des personnes si parfait, si complet qu’on n’y souhaite rien… ».
(2) Actes I, scène 4.
(3) Être Juif dans la société française du moyen-âge à nos jours, Béatrice Philippe, Editions Montalba, p 60-83.
(4) Jean Racine, Esther, Texte intégral et dossier par Geneviève Winter, , folioplus classiques, Editions Gallimard, 2016, p 134-138.
(5) Racine, Esther, Les petits classiques Bordas, 1964, Gabriel Spillebout, p 123.
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