21 juin / Christophe de Gamon (1574-1621)
C’est à juste titre qu’Annonay a été appelée la métropole du protestantisme dans le Haut-Vivarais. En effet, cette ville commerçante et industrieuse, ouverte aux idées nouvelles, connaît le protestantisme avant Genève. Dès 1528, un moine cordelier, Etienne Machopolis, qui avait entendu Luther prêcher en Saxe, répand sa doctrine à Annonay. D’autres lui succèdent ; plusieurs sont brûlés vifs. Mais le calvinisme pénètre à Annonay, et au milieu du 16ème siècle, la ville ne comptait plus qu’une vingtaine de familles non protestantes. Une église fut alors " dressée ", selon les structures mises en place, dans la clandestinité et malgré la répression, par le premier Synode national (1559). Place forte à présent disputée par les deux partis, la ville eut à souffrir des guerres civiles et de l’épidémie de peste qui suivit.
L’Édit de Nantes (1598) mit un terme au conflit et assura le maintien d’une église active, pourvue de deux pasteurs, et importante, tant par le nombre de ses membres que par leur qualité.
Dont Christophe de Gamon (1576-1621), poète, d'inspiration bucolique, religieuse et philosophique. Il a vécu dans le Vivarais à Annonay où son père était notaire. Réformé, on trouve parmi ses œuvres une Semaine ou Création du monde (1609), qui est une riposte à la Semaine de Du Bartas.
Voici dans cet ouvrage les vers d’une invocation préliminaire à Dieu.
Invocation à Dieu
Toi qui du ciel doré tends la courtine ronde,
Qui mis le monde au jour, qui mis le jour au monde,
Qui peut d’un seul clin d’œil écrouler l’univers
Et soutiens sans soutien ses étages divers,
Guide ma main branlante échauffe mon courage,
Aiguise mon esprit, enrichis mon langage,
Que de vers éternels je chante dignement
Les plus grandes beautés de ce grand bâtiment,
Donne jour à ces jours, source de clartés, donne
que la splendeur du vrai sur ma page rayonne,
O grand Dieu, donne-moi que je puisse sans peur,
Combattre corps à corps le mensonge et l’erreur :
Que ma guerre en ce champ, ma course en cette lice,
Commencée au travail, en plaisir se finisse.
En 1607, Christophe Gamon prit part au synode de la Rochelle, comme ancien de l'Église d'Annonay. Il accompagnait Jean Valeton, pasteur de Privas. Il lie connaissance avec le pasteur lyonnais J.P. Perrin et par son biais s'initie à l'histoire vaudoise. Christophe Gamon enthousiaste écrivit l'"Ode" en son honneur. Cette Ode se compose de 15 strophes de huitains d'octosyllabes à rimes croisés (ABAB CDCD).
Dans la 13ème strophe Gamon s’inspire du Cantique des Cantiques (Cantique 2.14) et de l’image de la caverne du prophète Elie (1 Rois 19. 9-10) pour comparer Israël alias l’Eglise Vaudoise, à une « colombelle », qui se cache dans les creux des rochers mais qui vit de la nourriture céleste, comme l’Eglise Vaudoise se nourrit depuis toujours de la seule Sainte Écriture.
Heureuse, heureuse Colombelle !
Qui pleine de fécondité
Blanche, douce, chaste, fidèle,
Sans fard, sans fiel, sans cruauté
Séjourne ez pertuis de la pierre,
Pour son chant a les tristes cris,
Et vit en l’infertile terre
Du grain des célestes écrits.
L’historien français Jules Michelet (1798-1874) dans le huitième tome de son Histoire de France (La Réforme, 21 juin 1855), cite,
"le poète qui a décrit l’Eglise Vaudoise comme Heureuse, heureuse Colombelle ! ».
Il s’agit bien de Christophe de Gamon. Rien de plus grave que le poème suivant. La Foi, très sûre, de Gamon, lui permet d’éviter le péril de la virtuosité verbale qui est la grande tentation des baroques.
Sur la Troisième apparition du Christ après sa Résurrection
Le jour sur Génézar épandait jà ses tresses,
Pendant que les pêcheurs empêchés à pêcher
Trouvaient (ne trouvant rien) la fin de leurs finesses,
Mais Christ, cachant ses rais, vint leurs rets approcher.
Comme il est le Soleil dont l’âme est éclairée,
Il vint quand du soleil les rayons renaissaient,
Et, prompt, il arriva sur la rive azurée,
N’étant connu de ceux qui le reconnaissaient.
Pauvrets, ils n’avaient rien. Le Seigneur, débonnaire,
De pêche emplit leurs rets, leurs sens d’étonnement.
La nuit ne leur nuisit ; mais rien ne se peut faire
Sans celui qui de rien peut tout faire aisément.