Louisa Siefert, née à Lyon dans une famille protestante le 1er août 1845, est une poétesse française.
Atteinte très jeune de la phtisie. Elle débute avec un volume de vers sorti en 1868 (les rayons perdus). Beau succès de librairie, 500 exemplaires vendus en moins d’un mois. Suivent alors d’autres ouvrages où son talent s’affirme de plus en plus.
En 1870, Rimbaud s’en procure la quatrième édition et en parle ainsi dans une lettre à Georges Izambard :
« …j’ai là une pièce très émue et fort belle, Marguerite [...]. C’est aussi beau que les plaintes d’Antigone dans Sophocle. »
Elle entre en relation avec des écrivains tels que Victor Hugo, Edgar Quinet, Leconte de Lisle, Sainte-Beuve, Michelet.
La poésie de Siefert est souvent sentimentale et introspective. Elle explore l’étendue des souffrances causées par la fin d’un grand amour de jeunesse aussi que la nostalgie des années passées. D’autres de ses poèmes sont politiques, comme les poèmes "Des saintes colères" qui rendent Napoléon III responsable pour la guerre franco-prussienne et le carnage qui a résulté. Elle a écrit cinq recueils de poésie : Rayons perdus (1868), L’année républicaine (1869), Les stoïques (1870), Les saintes colères (1871) et Poésies inédites (1881).
Elle meurt de tuberculose à Pau le 21 octobre 1877, à l’âge de trente-deux ans, et son œuvre est rapidement oubliée.
Louisa Siefert était protestante et ne laissait pas échapper une occasion de manifester son enthousiasme pour la Réforme :
« Oubliez les bourreaux pour parler des victimes », dit-elle dans les Stoïques.
Dans " Les papiers de famille" (extraits) elle témoigne avec émotion d'une page de l'histoire protestante après la Révocation de l'édit de Nantes :
C’était au temps des dragonnades,
Les Cévennes étaient en feu ;
Vieillards, enfants, blessés, malades,
Les proscrits fuyaient en tout lieu.
Un de ceux-là qui, pour Guillaume (d’Orange, roi d’Angleterre)
Et sa cause avaient tout quitté,
Jeune, libre, hors du Royaume
Vivait alors en sûreté.
Mais à ce long cri de souffrance :
« Là-bas on a besoin de moi »
Dit-il, « il faut rentrer en France, »
« Puisque l’on y meurt pour la foi ! »
Il part, les périls sont sans nombre ;
Il les brave, passe au milieu,
Et commence à servir dans l’ombre
La ligue des enfants de Dieu.
Mais, tandis que de grotte en grotte
Il errait, joyeux de son sort,
On le trahit, on le garrotte ;
Enfin on le condamne à mort.
Sur la place publique à Nîmes
On roua vif le protestant,
Sans que, généreuse victime !
Sa foi faiblit un seul instant.
-Après cette noble figure
Qu’illumine un rayon d’en haut
Tout rentre dans la nuit obscure
Où les documents font défaut ;
... le souffle, qui me les rapporte,
Pour jamais les remportera,
Car de mes souvenirs, moi morte,
Ici-bas qui se souviendra ?
... Et dira, le cœur ému comme
Le mien l’était en l’écrivant :
« Rien de ce qui se perd pour l’homme
N’est perdu pour le Dieu vivant ! »
Voici une "Prière" de son recueil "Rayons perdus" :
Prière
Les rideaux sont baissés & la porte est fermée :
Un seul rayon perdu glisse furtivement,
Et vient illuminer l’atmosphère embaumée.
Là, dans son grand fauteuil la mère simplement,
Tenant sur ses genoux la Bible de famille,
Explique à ses enfants le Nouveau Testament.
Son jouet dans les bras, la plus petite fille
Veut écouter aussi le récit merveilleux,
Comme font ses aînés dont le regard scintille.
Car il n’est pas de conte entre les contes bleus
Qui vaille cette belle & pathétique histoire,
Où Jésus est si bon pour tous les malheureux.
Les autres, qui voudraient graver dans leur mémoire
Chaque verset que lit leur mère à haute voix,
Se penchent, car aimer c’est la moitié de croire.
Et, rendus attentifs et graves, tous les trois
Comme un parfum divin aspirent la Parole
Qu’ils trouvent, disent-ils, plus belle chaque fois.
Adieu le jeu bruyant et la chanson frivole !
Ils préfèrent le Christ qui parle du devoir
Et met l’enseignement dans une parabole.
Sources pures encore où le ciel peut se voir,
Leurs cœurs vierges et neufs, enivrés de lumière,
S’ouvrent avec candeur pour la mieux recevoir.
La lecture finie, ils ont fait la prière :
« Amen ! » dit une voix plus grave derrière eux.
C’est leur père debout et baissant la paupière.
« Allez, allez, dit-il, mes petits bienheureux,
« Laissez-moi seul auprès de votre bonne mère. »
Et, poussant un soupir profond & douloureux :
« — Ah ! devant ces enfants je sens mieux ma misère,
« Et combien ma science est peut de chose en soi.
« Je veux connaître aussi la chose nécessaire :
« Toi, qui m’apprends l’amour, enseigne-moi la foi ! »