19 juillet 1597. Anne Uytenhove
Tragique fut le sort de l’anabaptiste Anne Uytenhove, née Emels, qui était servante depuis treize ans chez les sœurs Anne et Catherine Rampaerts, également anabaptistes. Comme elle ne fréquentait pas la messe et ne se confessait pas, le curé de l’église de la Chapelle, lors du décès de sa tante Gudule Emels, chez qui elle habitait, la dénonça aux autorités. Le 21 décembre 1594, Anne Uytenhove et les deux sœurs Rampaerts furent incarcérées à la prison du Treurenberg. Ces dernières furent peu après remises en liberté.
Quant à Anne Uytenhove, elle fut déclarée hérétique, le 17 mars 1595 et livrée à la justice civile pour être punie selon les lois en vigueur. Toutefois, elle resta en prison pendant plus de deux ans, car on espérait qu’elle finirait par se convertir. Souvent, elle recevait la visite de prêtres, qui essayaient par des remontrances, des promesses et des menaces de l’amener à faire une rétractation publique de ses convictions anabaptistes. Cependant, Anne Uytenhove refusait tout compromis :
« Comment voulez-vous, disait-elle, qu’une faible femme de quarante ans songe à faire des révolutions, elle qui croit savoir ce qui est juste ? Si elle se trompe, il serait équitable de le supporter. Il est certain que si la crainte fait déclarer qu’on croit vrai ce que la conscience n’admet point, on commet une grande faute, dont on rendra compte à Dieu. » « Dans ce cas, lui répondirent ses juges, il n’y a pas pour vous d’autre mort que la mort par la fosse, avec la perspective, pour votre âme, d’être au sortir de cette vie, plongée à toujours dans les flammes de l’enfer. »
Une dernière tentative d’amener Anne Uytenhove à se convertir ayant échoué, elle fut conduite le mercredi 19 juillet 1597 vers 10 heures en dehors de la porte de Louvain, en un lieu appelé le Haerenheyde, où une fosse avait été creusée. En chemin, les prêtres tentèrent encore de lui faire changer d’avis :
« Annette, si vous ne vous repentez, vous irez pour toujours à la perdition »,
Mais elle répondit :
« je vois le ciel ouvert et les anges qui se préparent à m’y introduire ».
Dans l’espoir qu’au dernier moment, elle abjurerait, on ne l’enterra que progressivement, d’abord jusqu’aux genoux, puis jusqu’à la poitrine, enfin jusqu’au cou. A une ultime demande, elle affirma encore sa foi : « Celui qui voudra sauver sa vie, la perdra. » Ce fut sa dernière parole, car le bourreau lui recouvrit la tête de terre, et la tassa du pied.
Le martyrologe anabaptiste lui consacra une notice, ainsi qu’un cantique, dont voici quelques strophes :
« Dans la fosse qu’ont préparée tes barbares persécuteurs, Descends, ô vierge infortunée, Elle est la fin de tes douleurs, Ces méchants, odieux blasphème ! osent de Christ se réclamer.Et de leur injustice extrême ils voudraient même le charger. Mais le saint Agneau du calvaire n’a nulle part à leurs forfaits, Lui, dont la terrestre carrière, Ne fut qu’amour et que bienfaits. Paisible, il supporta l’injure, Et de la croix l’affreuse mort ; Comme lui, souffre sans murmure, Bientôt tu parviendras au port. »
Source : :
Tiré du livre d'Émile Michel Braekman : "Le protestantisme belge au 16e siècle", Editions de LA CAUSE - ISSN : 1248-6817.