1. Introduction
Pendant de nombreux siècles, l’Évangile de Marc a été négligé et cela pour plusieurs raisons. D’une part, il n’est pas aussi conséquent que les trois autres Évangiles, et, d’autre part, Marc est écrit dans un grec populaire de qualité médiocre. Dans l’introduction à l’Évangile de Marc dans la TOB, on stipule que les phrases sont mal reliées et que les verbes sont conjugués sans se soucier de la concordance des temps. (1) Enfin, Marc est peu cité par les Pères de l’Église. On sait par exemple que Saint Augustin tenait l’Évangile de Marc comme un simple résumé de Matthieu. (2) Tout cela a entraîné du dédain pour cet évangile durant des siècles. Cependant, depuis un certain temps, la situation a évolué.
En effet, à partir du XIX e siècle, à cause de la théorie des deux sources, les exégètes ont commencé à se préoccuper du deuxième Évangile. Cependant ils ne s’y sont pas intéressés en tant qu’œuvre littéraire mais plutôt comme document servant à la reconstruction du Jésus historique. C’est en 1901 que les véritables investigations ont débuté. Cela notamment avec la thèse du secret messianique proposée par William Wrede. (3)
Durant la grande majorité du 20 e siècle, l’interprétation biblique a été dominée par les lectures exégético-criticiennes, dites « diachroniques ». Même si ces lectures ont apporté beaucoup à la recherche, vers la fin du XX e siècle, des exégètes se sont doucement tournés vers des méthodes dites « synchroniques ». Ces dernières appréhendent le texte dans son état final de rédaction. Dans cet article, notre approche exégétique ne négligera pas les apports diachroniques lorsque ceux–ci sont pertinents, cependant, elle sera principalement synchronique, plus particulièrement narratologique. Nous évaluerons si cette approche est porteuse de sens.
Une analyse diachronique de ce récit marcien bien connu soulève au moins deux problèmes. Le premier se situe au niveau de la délimitation du récit où deux options se côtoient : selon les choix posés par les exégètes, le découpage de la péricope peut comprendre les versets 1 à 12, ou 1 à 13. Puisque la délimitation d’une péricope est capitale pour l’investigation de son texte, il nous semble dès lors pertinent de s’y attarder.
Le deuxième problème réside dans l’unité de la péricope. Selon l’histoire de la tradition, la péricope a subi une retouche rédactionnelle. En effet, pour Bultmann, elle est composée d’un récit de guérison et d’une controverse qui auraient été combinés. (4) Le récit de controverse (5b-10) aurait été ajouté au récit de miracle (1-5a et 11-12), lors d’une seconde mouture. (5) L’exégète allemand renchérit et émet l’hypothèse selon laquelle la controverse aurait été composée pour le contexte de la communauté primitive. C'est évidemment pertinent, et, de nos jours, certains exégètes sont encore imprégnés de la pensée bultmannienne et ne voient tout simplement pas, dans cette péricope, le style d’un narrateur. (6) Toutefois, nous pensons qu’il est plus porteur pour la compréhension du récit de l’appréhender en tant qu’unité littéraire composée par un narrateur et, dès lors, reflétant son style particulier. C’est sur ce point qu’une approche synchronique pourrait s’avérer plus subtile.
Avant de nous pencher sur le style du narrateur, nous commencerons par situer brièvement la péricope dans son contexte littéraire. Cela a son importance puisque Mc 2,1-12 ou 2,1-13 fait partie d’un ensemble de cinq récits qui dévoilent les adversaires de Jésus. Ensuite, nous délimiterons notre péricope. Enfin, nous étudierons succinctement l’unité de celle-ci et nous verrons s’il est envisageable de l’appréhender comme un tout.
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