Nos sociétés occidentales ont été très longtemps caractérisées par l’intolérance et la violence. Lorsqu’on jette un regard sur ce qui s'est passé quand la chrétienté a exercé le pouvoir politique, il n'y a pas vraiment de quoi être fier ni rassuré ! Le moins qu'on puisse dire, c'est que le christianisme n'a pas été un facteur de tolérance. Toute l'histoire de la chrétienté dominante, du IVe au XVIIIe siècle, est celle de pouvoirs qui entendent bien imposer à l'ensemble de leurs sujets des règles uniques de conduite et de foi.
Fort heureusement, la tolérance est devenue aujourd’hui une valeur reconnue par l’ensemble de la société. On ne devrait donc normalement plus souffrir ou mourir dans nos pays pour des idées.
Une fois satisfaits de ce constat, allons plus loin et cherchons les raisons de ce changement. De toute évidence, l’esprit de tolérance de nos sociétés occidentales est lié au présupposé que toutes les opinions et toutes les visions du monde sont égales. C’est parce qu’aucune philosophie, religion, culture, pensée … ne peut être considérée comme supérieure à une autre que personne n’a le droit d’imposer un modèle. C’est une conséquence normale pour celui qui pense qu’il n’y a pas de vérité révélée possible.
Ceci conduit fort logiquement à la tolérance que nous connaissons. Hélas, l’indifférence n’est pas très loin. Pourquoi se soucier de l’opinion des autres ou de la vérité si cette dernière n’existe pas ?
Pas question de revenir en arrière !
On entend parfois que les religions révélées sont nécessairement intolérantes. Reconnaissons que l’argument présente une certaine logique : si quelqu’un est fermement persuadé que ce qu’il croit est vrai, on peut facilement imaginer qu’il essayera d’en convaincre les autres. De là à penser qu’il en deviendra intolérant, il n’y a qu’un pas… qu’il n’est pourtant pas nécessaire de franchir ! De tout temps, il a existé des croyants très convaincus et respectueux des autres. Constatons également que l’intolérance peut se trouver là où on ne l’attend pas. Sans vouloir polémiquer, il faut savoir - c’est un exemple - qu’il arrive aussi aux moines bouddhistes d’être intolérants. Les chrétiens du Sri Lanka ne le savent que trop bien. Beaucoup sont persécutés, plusieurs sont morts.
Jésus-Christ était-il intolérant ?
Les évangiles ne cachent pas la vérité : à plusieurs reprises, les disciples de Jésus se sont montrés intolérants. Un jour, ils ont même souhaité que la foudre tombe sur un village parce que ses habitants ne les avaient pas bien accueillis. Une autre fois, ils n’ont pas supporté que quelqu’un fasse des miracles au nom de Jésus sans faire partie de leur groupe (1).
De son côté, Jésus a dit : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi » (2) et « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Personne ne va au Père (à Dieu) sans passer par moi. » (3) Voilà qui donne du grain à moudre à ceux qui prétendent que le christianisme est fondamentalement intolérant.
Halte aux amalgames
Pour être honnête, il faut quitter les déductions faciles, prendre le temps de réfléchir et de réunir tous les éléments disponibles. Constatons que Jésus n’a jamais donné raison à l’intolérance de ses disciples. Il leur a répondu : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » (4). À un moment où ils doutaient, il leur a même proposé de le quitter (5). Jésus était tout sauf intolérant !
Pour autant, est-ce par souci de tolérance que Jésus a empêché des gens de tuer une femme qui avait trompé son mari ? Ceux qui en déduisent qu’il a trouvé normale la conduite de cette femme oublient ce qu’il lui a dit ensuite : « Je ne te condamne pas…. va et ne pêche plus ». (6) Nous sommes très loin de l’esprit actuel de tolérance. Toutes les conduites ne se valent pas pour Jésus. Le péché existe bel et bien !
Dernier exemple : Jésus a préféré mourir supplicié plutôt que de renoncer à la conviction qu’il était le Fils de Dieu.
Les premiers chrétiens ont suivi fidèlement son exemple en acceptant de mourir dans les arènes romaines à cause de leur foi. Aujourd’hui encore, beaucoup subissent le rejet et la persécution pour les mêmes raisons.
Pour nous aujourd’hui
Le philosophe Jean Brun a dit un jour : « il n'y a pas de liberté de conscience en mathématique ». En effet, cette science de l'abstrait ne tolère pas l'erreur. C'est vrai ou c'est faux. Deux et deux font quatre, et vous pourrez protester autant que vous voudrez, et vous pourrez toujours dire que vous ne voyez pas les choses de cette manière ! Rien n'y fait. La notion abstraite de vérité est intolérante.
La tolérance aussi est un concept. De plus, il arrive qu’elle oublie ses présupposés et se comporte comme une religion qui veut dicter sa loi à tous. On en arrive alors à taxer d’intolérants – l’injure la plus redoutable de nos jours - ceux qui ont des convictions et qui en témoignent. La vérité suprême serait-elle qu’il ne peut pas y avoir de Vérité ? C’est le comble !
Heureusement, Jésus n’est pas un concept. Il est quelqu’un. En regardant son exemple, on pourrait presque affirmer que plus les gens semblaient loin du bien qu’il leur enseignait, plus il leur a témoigné son amour.
Le mot que l’Évangile choisit pour notre sujet n’est pas « tolérance » à opposer à « intolérance ». C’est l’amour que l’Évangile privilégie. Il s’y trouve toujours au service de la vérité.
En quittant les siens, Jésus a fait d’eux ses témoins. Ils ne devaient rien cacher de ce qu’ils avaient vu et entendu de lui. C’est vrai aujourd’hui encore. Et si on ne reçoit pas leur témoignage, ils seront fidèles à leur Maître en aimant toujours, sans aucune distinction. L’amour est toujours patient. Il attend. Il fait aussi souvent souffrir celui qui aime, jamais celui qui est aimé.
d’après une conférence de Daniel Bergèse