Juin 2001, j’intègre une Maison d’Accueil Spécialisé : une véritable aubaine pour un étudiant étranger qui doit trouver un job pour vivre et payer ses études.
Un rêve devenu réalité
Je me réjouis car, non seulement, je serai payé, mais je serai utile puisqu’il s’agit d’aider des personnes.
Les pensionnaires sont des handicapés mentaux légers ou profonds. Le lever est prévu dès 7h00. Après quoi, il faut les doucher, les habiller, les alimenter, parfois malgré eux. Vigilance de tous les instants et protection pour ceux qui pourraient être tentés de s’éclipser ou même de s’automutiler. Avec le temps, le job étudiant est finalement devenu mon métier. Cela fait bientôt quinze ans que je suis encadrant dans cette maison. Alors, quel bilan ?
Désillusions progressives
Le temps passant, mes illusions sont en train de passer également. Le plaisir et la joie au travail aussi, hélas ! La crise est le prétexte à toutes sortes de restrictions et de rationnements. Même pour des choses aussi simples que des gants, il faut trop souvent parcourir les trois étages de la maison pour en trouver. Récemment, il a même été décidé une restriction dans l’accès aux blouses, limité à deux blouses par soignant. « Il suffira de faire attention », nous a-t-on dit. Comme si, pour un handicapé, les souillures et salissures venaient sur commande ! Bonjour les conditions d’hygiène et de sécurité ! Idem du côté des assiettes. Certains résidents ne s’y trompent pas, qui envoient souvent valser leur plateau-repas. Quant au personnel, au contact quotidien avec la bave, les vomissures et autres excréments (excusez du peu !), il se sent livré à lui-même, en proie au découragement.
Négligences coupables
Les accompagnants transmettent de nombreuses alertes qui ne sont pas prises en compte par la direction. Rien d’étonnant à ce que les hospitalisations d’urgence se soient multipliées récemment. Pas besoin d’explication non plus pour comprendre le nombre important des arrêts maladie, des démissions ou même des abandons de poste, souvent par les meilleurs éléments. Autant de signes qui ne trompent pas, mais qui ne sont pas vraiment pris en considération.
SOS
À ce stade, mon sentiment personnel, c’est le gâchis et le quiproquo. Gâchis en termes de ressources, de savoir-faire, de générosité mal affectés et entre de mauvaises mains. Quiproquo entre la débauche du discours politique ou institutionnel, et les réalités du terrain qui sont tout autres. De vrais dégâts sont en cours. Résidents et personnel souffrent. Au secours !