Ci-contre, détail de la crucifixion de Matthias Grünewald, retable d’Issenheim (1512-1516).
Sait-on que l’on doit aux Perses le supplice de la crucifixion ? Il était largement répandu dans l’Empire romain depuis le premier siècle avant notre ère. On réservait cette barbarie aux individus méprisables comme les voleurs. On dénudait les condamnés et on les exposait cloués sur le bois jusqu’à ce que mort s’ensuive. Les évangiles confirment cette nudité : les soldats ont bien partagé les vêtements de Jésus et tiré au sort sa tunique. Exposé à la honte et abreuvé d’insultes, Jésus achève sa course sur la croix. Il meurt nu.
Mort comme il est né
Ce grand pauvre était né nu 33 ans auparavant dans la mangeoire des bêtes d’une étable. Le Père Guy Gilbert n’hésite pas à dire : « Le Fils de Dieu est né dans la pauvreté extrême... Le plus faible parmi les faibles, ce mioche, ce lardon de trois kilos, arrivé dans le seul endroit chaud qui restait... ».* Le tableau que cette histoire évoque témoigne d’une telle dureté et d’une telle dégradation qu’aucun lecteur attentif de l’Évangile ne peut s’empêcher de frissonner.
Près de 2.000 ans après la mort de Jésus, la croix, qui n’était qu’un moyen atroce de mise à mort, est devenue le symbole de la chrétienté. Pour les chrétiens, elle témoigne du sacrifice d’un homme, le Fils de Dieu. Elle est source de salut.
Des artistes l’ont bien compris
Au 16e siècle, le peintre Grünewald a montré, sur le retable d’Issenheim (Colmar), un Jésus couvert de plaies, presque putréfié. Il fascine toujours aujourd’hui historiens et touristes. Dans la basilique Santo Spirito (Florence), un autre Christ entièrement nu en bois polychromé a créé un tollé presque au même moment. Michel-Ange l’aurait sculpté à 18 ans. Il lui a donné un corps d’adolescent, fuselé, élancé. La tête est inclinée, les yeux fermés. Jésus est mort sur la croix, calme, serein comme jamais. Il est beau et pur, redevenu roi. C’est une des représentations les plus intuitives du Fils de Dieu et de la profondeur du don qu’il fait de sa vie.
Peur de la vérité ?
Malgré cela, deux mille ans de christianisme n’ont cessé de « rhabiller » le Christ et d’encombrer son Évangile de rajouts. Par peur de cette « vérité toute nue » ?
Aujourd’hui, il faut oser regarder en face ce que nos yeux trop habitués ne savent plus contempler : le mystère de la nudité de Jésus. Les évangiles témoignent : cet homme qui meurt est Dieu incarné, qui a tout donné, qui a aimé jusqu’à l’extrême des hommes qui ne méritaient aucun amour.
Ce Christ complètement dépouillé ne nous adresse pourtant pas d’accusation. Il veut au contraire nous faire grâce, lui qui « était riche, mais pour nous, s’est fait pauvre, afin de nous rendre riches par sa pauvreté ».
Désormais, il est possible de vivre avec Dieu en nous.
Accepter cette Bonne Nouvelle pour soi, c’est vivre un véritable Noël !