Comme c’est agréable de recevoir mes amis et de les régaler d’un festin ! Avouez que c’est plutôt facile pour moi puisque j’ai les moyens, comme on dit.
C’est vrai : je possède à peu près tout ce qu’un homme peut désirer, mais pourtant, j’ai l’impression que ma vie est vide.
Comment faire pour la combler ?
Un jour, j’ai entendu un homme qui parlait de Dieu comme je n’en avais jamais entendu parler. Ce jour-là, j’ai pu saisir quelques-unes de ses paroles du milieu de la foule. Il parlait du Royaume de Dieu qu’il voyait comme un trésor ou comme un filet jeté dans la mer. Il l’a comparé aussi à une semence. J’ai trouvé cela très intéressant. Ce qui m’a le plus frappé, c’est qu’il parlait de Dieu comme s’il était son père. Ça m’intéressait ! Je voulais en savoir plus, en particulier sur la vie éternelle dont il parlait, mais je n’ai pas eu l’occasion de l’interroger. Vous comprenez : quand on est un homme de ma condition, on ne fait pas n’importe quoi, on tient à son rang. Aujourd’hui, c’était le bon jour. Je me doutais qu’il allait passer près de chez moi. Alors, je me suis bien préparé pour lui poser ma question.
– Bon maître, lui ai-je dit très poliment, qu’est-ce que je dois faire pour avoir la vie avec Dieu pour toujours ?
Il s’est retourné vers moi. Je me souviendrai toujours de son regard. Quel amour dans ses yeux ! Mais sa réponse m’a vraiment décontenancé.
– Pourquoi m’appelles-tu « bon » ? Personne n’est bon, sauf Dieu.
Au lieu de répondre à ma question, voilà qu’il m’en a posé une autre ! Heureusement, il ne m’a pas laissé très longtemps dans l’embarras car il a poursuivi :
– Tu connais les commandements : Ne commets pas d’adultère. Ne tue personne. Ne vole pas. Ne témoigne pas faussement contre quelqu’un. Respecte ton père et ta mère...
Ouf ! Me voilà sur un terrain que je connaissais. Je lui ai dit le plus sincèrement possible :
– J’obéis à tout cela depuis ma jeunesse...
J’étais plutôt satisfait, mais je sentais qu’il avait quelque chose à ajouter. Cette fois encore, cela m’a complètement estomaqué !
– Une seule chose te manque : tout ce que tu as, vends-le et distribue l’argent aux pauvres, alors tu auras des richesses auprès de Dieu. Ensuite, viens et suis-moi.
Si je m’attendais à une telle réponse ! N’est-ce pas suffisant d’aider les pauvres en faisant l’aumône comme nous le demande notre religion ? Si je vends ce que j’ai et que je donne tout mon argent, que me restera-t-il pour vivre et pour recevoir mes amis ? Après tout, cet argent, je ne l’ai pas volé : c’est l’héritage de mes parents et le fruit de mon travail. Non ?
Je l’ai donc quitté sans rien dire.
Maintenant que j’y repense, je ne suis pas très fier car je pense qu’il a raison. Aimer son prochain, ce n’est pas seulement lui faire l’aumône de temps en temps. Trop facile ! J’aimerais tant devenir son disciple, mais j’ai l’impression que sans mon argent je ne serai plus personne. Que faire ?