Notre société ne nous aide pas, car c’est « tout, tout de suite », vite, de plus en plus vite. On jette ou on change ce qui est vieux. Il faut rester jeune, beau, compétitif. Elle nie le temps qui passe et la mort.
Une identité qui se construit
Le philosophe Jean-Claude Guillebaud dit que le temps aujourd’hui, au lieu de s’écouler comme dans un sablier, avec une nette différenciation entre passé, présent et futur, a pris la forme d’un œuf. Passé, présent, futur sont contractés dans le seul présent. On ne fait plus la différence.
Or le temps, dans notre vie concrète d’humains se construit, justement dans la différenciation : dans l’enfance il se construit à travers la présence jalonnée d’absences de l’entourage premier. C’est dans la sécurité du lien qu’il se construit le mieux, car alors l’absence devient l’attente du retour, et non une angoisse sans fond, dans laquelle tout repère, toute présence ont disparu. C’est dans ce rythme que le temps prend corps, devient repère.
Passé, présent, futur se conjuguent, à travers notre propre vécu, mais aussi tout ce qui nous est transmis par d’autres. C’est ainsi que se construit notre histoire et, à travers elle, notre identité.
Tout se prépare depuis l’enfance et tout au long de la vie, en particulier en voyant vivre ceux que nous côtoyons, adultes et personnes âgées.
Des étapes nécessaires
Au fil de la vie, le temps parfois s’accélère, parfois il y a des arrêts sur image, mais aussi des temps de préparation, de lent mûrissement, des temps de récupération, d’assimilation. Chaque étape de la vie remet en route ces processus. Mais plus le sens de la vie est ancré, intégrant aussi sa finitude, plus les étapes se déroulent souplement.
Actuellement, tout tend à se court-circuiter : « Il n’y a plus d’enfant », dit-on parfois. On parle des adolescents précoces ou prolongés, des parents-copains, des adultes qui veulent « rester jeunes », des vieux qui refusent de vieillir. On veut des fraises en toute saison. Dans cette volonté d’avoir tout, en tout temps, on se prive de choses essentielles : le plaisir d’attendre, de rêver, de désirer, de se souvenir. Or, toutes ces dimensions construisent l’être humain.
Vivre pleinement chaque saison
Il est fondamental de vivre pleinement chaque âge de la vie pour ce qu’il est, de ne pas être à contretemps, en décalage constant, en avance ou en retard… car c’est la meilleure façon finalement de ne pas vivre.
Quelle tristesse ce serait s’il n’y avait qu’une saison !
Le Dr Tournier écrivait : « Un même oui traverse toute la vie, qui est successivement un oui à l’enfance, à la jeunesse, à la vie adulte, à la vieillesse, et finalement un oui à la mort. » Il est certain que ce oui est plus facile si l’on a une espérance, si notre vie a un sens profond.
Pour aller plus loin :
Monique de Hadjetlaché, Bien vieillir, un chemin qui se prépare, éd. Farel, 2008.