Comment comprend-t-on aujourd’hui le phénomène des addictions ?
De façon simplifiée, on peut dire qu'une addiction compense un manque, qu’il soit consciemment ressenti ou pas.
La consommation d’un produit (ici des images pornographiques) procure un plaisir que le cerveau associe avec tel ou tel comportement. Quand une personne se sent seule ou triste, elle va puiser dans ce réservoir d’émotions positives pour se rassurer et aller mieux. Le système est activé. La personne passe à l’acte.
Peut-on comparer une addiction à une forme de fuite ?
En effet, le recours répétitif à la conduite addictive permet d’éviter des situations anxiogènes, en substituant à l’incertitude des relations humaines le déroulement prévisible d’une séquence comportementale plusieurs fois vécue
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Comment réagissent les jeunes à ces questions ?
Depuis plusieurs années, je rencontre des milliers d’élèves, garçons et filles, du niveau collège et lycée dans le cadre de l’éducation affective et sexuelle. Il n’y a pas une classe dans laquelle les garçons ne me demandent pas : quelle est la taille moyenne du pénis ?
Répondre avec une mesure quelconque serait une faute capitale. En effet, nous sommes là dans le fonds de commerce du cinéma pornographique qui fait croire que celui qui a le plus gros est le plus performant. On peut parler de terrorisme de la performance sexuelle.
Personnellement, je réponds à leur question par une autre : mais pour quoi faire ? Ils répondent souvent tout étonnés : pour faire jouir la femme.
La pornographie serait-elle la rencontre de deux émotions contraires ?
Effectivement. Il y a d’un côté l’excitation et le plaisir que l’image suscite, et de l’autre, il y a cette femme qui est tellement ouverte qu’elle me fait aussi peur.
Prenons l’exemple du grand huit dans un parc d’attraction : on fait la queue, on entend les cris, ça fait peur ; mais en même temps on a envie d’y aller quand même. La pornographie met en scène cette opposition des émotions.
Que proposer aux jeunes face à la pornographie ?
La pornographie est aujourd’hui accessible en deux clics sur Internet. Tous les jeunes l’ont rencontrée. À mon avis, la vraie question est plutôt : comment accompagner nos enfants et ados pour qu’ils puissent traverser leur adolescence sans garder des traces indélébiles de la découverte pornographique.
Le vrai défi se trouve là. Cela veut dire interroger la manière dont chacun se représente ce qu’est un homme. Doit-il être vraiment fort ? En quoi ? Et la femme, qui est-ce ?
Que conseiller à une personne qui veut arrêter sa consommation de pornographie ?
On ne peut pas sortir d’une pratique sans avoir pris conscience du besoin auquel elle répond. C’est alors qu’on peut proposer de réfléchir au moyen de remplacer ce comportement par un autre. Si le comportement compulsif est vraiment important, cela peut nécessiter un accompagnement par un professionnel. Dans tous les cas, il faut une écoute qui ne juge pas, qui sait accompagner la personne sur ce difficile chemin de « reformatage ». Des groupes de paroles pour porno-dépendants peuvent également aider. La solitude est, en effet, un aspect important qui favorise le passage à l’acte.
La personne qui s’enfonce dans une sexualité compulsive a souvent une très faible estime d’elle-même et se condamne souvent déjà. C’est aussi dans ce domaine qu’il faut l’aider.
Le chrétien a la chance de pouvoir se faire entourer. Il peut lui-même prier et demander qu’on prie pour lui pour qu’il puisse s’en sortir.