Parler des exécutions mises en scène par les islamistes, c'est pour moi un exercice théorique. Je n'en ai regardé qu'une seule, qui avait été dénoncée par un citoyen français horrifié. Et encore n'ai-je pas pu regarder jusqu'au bout ce jeune chrétien qui « a gardé le silence comme un agneau qu'on mène à l'abattoir(1) » pendant que des individus lui découpaient lentement la gorge en filmant la scène. Hormis cet exemple, je ne connais les exécutions que par les échos des médias. Elles se sont largement banalisées depuis. Et je suis atterré de voir qu'il existe, chez nous, certains pères musulmans qui font regarder ces atrocités à leur fils de dix ans, fiers de leur montrer qu'au nom de Dieu, on exécute même des gens venus porter secours. Comme cette jeune femme venue en mission purement humanitaire.
Accoutumance
Dans les films des années 50, les balles de pistolet ne faisaient même pas de trous dans les costumes. Aujourd'hui, les films couramment diffusés à des heures de grande écoute ne sont pas si éloignés de Massacre à la tronçonneuse. Et le danger existe donc de s'accoutumer à la violence extrême et à la fascination qu'elle provoque. Il y a un côté jouissif dans la torture infligée. Incrédule et « bluffé », on se demande jusqu'où peut aller le génie des hommes pour faire savamment souffrir leur prochain.
L'autre danger, c'est de ne plus très bien savoir dessiner la frontière entre des films violents comme Le silence des agneaux ou Seven (les 7 péchés capitaux illustrés de diverses et insoutenables manières), et notre dose mensuelle de décapitations islamistes mal filmées dans un désert lointain. On pousse des cris d'horreur tandis qu'on nous assure que tout sera fait pour retrouver et châtier les auteurs de ces lâches assassinats fermement condamnés. Cela n'empêche pas le spectacle, direct ou indirect, de continuer.
Hélas, contrairement aux jeux vidéo, on n'a pas plusieurs « vies », et certains petits djihadistes s'en sont aperçu, s'ils ont eu la chance de revenir de là-bas. Cette guerre est beaucoup moins exaltante que ce qu'on leur avait vendu.
Contradictions
Enfin, il est piquant de constater que ces tenants de la religion musulmane qui se méfient le plus des images sont experts à les utiliser pour leur propagande ; et ils ne se réfrènent nullement. On serait tenté de dire : il leur sera rendu selon leurs oeuvres. On est en tout cas très loin de la version mystique de l'islam, le soufisme, qui privilégie l'intériorité et le combat contre nos mauvaises tendances. Ici au contraire, tout est dans l'étalage de la cruauté destinée à terrifier. Qu'il s'agisse d'Al Qaïda, de Boko Harem ou de Daech, plus c'est spectaculaire, plus c'est à privilégier.
Comme disait Boris Vian : « Faut qu'ça saigne ! » Et ça fonctionne très bien.