— La grâce d’une conversion n’est jamais automatique. Des explications, on peut toujours en trouver, mais elles demeurent insuffisantes.
— En ce qui me concerne, comme j’étais déjà absolu, entier, excessif avant la foi, après la foi je le suis devenu encore plus ! J’étais complètement mort : mort à ma femme, mort à mes enfants. Je savais que lorsque je sortirais, si un jour je sortais, ma femme aurait 67 ans. Ma vie était foutue. J’étais enterré vivant. Mes amis m’avaient trahi au bout de quinze ans d’amitié. J’étais d’une aridité intérieure extraordinaire. Et donc, effectivement, j’étais tellement mort à l’intérieur que Dieu avait sa place ! Et quand il est entré, il a pris toute la place. C’était facile, parce qu’il n’y avait plus de moi ; mon orgueil, ma prétention étaient anéantis. Mais il restait vrai que le vieil homme n’était pas parti et que je pouvais récidiver.
— Le vieil homme bouge encore, disait Luther.
— C’est vrai, et il n’est jamais impossible de retomber. Au bout de quatre ans après cet épisode du voile, j’ai pris une grande feuille, et j’ai marqué à gauche toutes les raisons que j’avais d’être voyou et à droite toutes les raisons que j’avais d’être chrétien. Colonne « voyou » : si je ressors, c’est la Mercedes, la BMW, le champagne, le Pommard, les vêtements Pierre Cardin. Colonne « chrétien » : …rien. Je n’ai rien marqué parce que je ne savais pas ce qu’était un chrétien et je n’avais aucune raison de le devenir… sauf que je ne voulais plus vivre comme avant.
Voilà la seule raison. Alors, je me suis mis en marche, j’ai dit oui au Christ et je me suis mis au service de l’Évangile dans lequel j’ai trouvé tous mes absolus,—l’Ancien Testament, le primat de la loi, et le Nouveau Testament, le primat de l’amour. Je me suis mis au service des hommes et cela m’a dépassé. Bien au-delà du fait d’être gentil, il s’agissait de devenir vraiment serviteur. Dietrich Bonhoeffer a dit : « Un chrétien est un libre Seigneur de toute choses qui n’est soumis à personne ». Il est libéré de toute chose dans le sens qu’il est débarrassé de tout amour propre, de ses projets ou ambitions personnels. Ce serviteur n’a qu’un seul patron : le Christ. C’est au nom de l’Évangile qu’il Lui est soumis en toutes choses, mais à Lui seul. Et il est également au service de tout le monde.