— Vous écrivez : « La prison est une haute école de destruction de la personnalité, un univers où la rechute est programmée. ». Pourtant, on cite le cas de Philippe Maurice, ou de Jacques Lerouge qui, après avoir passé de longues années derrière les barreaux, sont aujourd’hui dehors et s’en tirent assez bien(1). Est-ce l’exception ?
— Oui, car il s’agit d’individus qui avaient en eux-mêmes un fort caractère et des ressources propres. Ils ont pu lutter et survivre, mais l’immense majorité des détenus ne dispose pas de ce bagage intérieur. Ils ont eu beaucoup de carences éducatives et affectives. La prison est un lieu de souffrances où on est de préférence cassé. Alors, si la prison casse ceux qui sont déjà cassés, quel peut être le résultat ?…
À la sortie, 75% des courtes et moyennes peines récidivent. Moi qui suis passé par la machine pénitentiaire en tant que « client », ces chiffres ne m’étonnent pas puisque moi-même j’ai dû lutter intérieurement pour ne pas devenir un grand révolté. Ceux qui ont moins de bagages moral, familial, intellectuel, spirituel que moi ont de grandes chances de récidiver. À la sortie, on n’a qu’une obsession : Ils ont voulu m’éliminer, je vais me venger. On sort avec la haine.
— Votre révolte est encore perceptible. Certains compensent en brûlant des voitures ; vous avez préféré écrire un livre ! Mais ce n’est pas donné à tout le monde…
— La révolte n’est pas toujours négative. Je suis un révolté constructif. Ce que j’ai vu dans les prisons françaises m’a décidé à ne pas me taire et j’essaye de parler pour ceux qui sont muets. Je veux mentionner les plus de 50.000 détenus, et aussi leurs familles qui vivent des moments terribles. Et je n’oublie pas la souffrance des victimes, qu’il ne faut absolument pas méconnaître.