L’honnêteté et les athées
Dans l’Ancien Testament de la Bible, un millier d’années avant la naissance de Jésus-Christ, le roi David a composé un psaume qui évoque les personnes qui nient l’intérêt de Dieu à l’égard des humains :
« Les insensés pensent : « Dieu n’existe pas ». Ils sont corrompus, leurs actions sont dégradantes, et aucun ne fait le bien.
Du ciel, l’Éternel observe tout le genre humain :
« Reste-t-il un homme sage qui s’attend à Dieu ? Ils se sont tous égarés, tous sont corrompus, plus aucun ne fait le bien, même pas un seul. Tous ces gens qui font le mal, n’ont-ils rien compris ? (…) Jamais ils n’invoquent l’Éternel ! »(1)
Selon ce texte, David exprime sa conviction que l’athéisme sert à justifier le comportement de ceux qui vivent comme si Dieu n’existait pas. Le théologien Derek Kidner commente ainsi ce texte : « Le point de vue est du haut des cieux envisageant la scène telle que Dieu la voit (…) Ces versets montrent que le matérialiste arrogant du verset 1 n’est qu’un exemple, un peu extrême peut-être, de ce qu’est l’homme en général »(2). La négation de l’existence de Dieu induit deux conséquences automatiques : l’impossibilité de fixer des contours à la moralité (« Je fais ce que je veux ») et l’absence de tout jugement divin (« pas vu, pas pris »).
Cependant la négation de Dieu ne signifie pas l’inexistence de Dieu. Et le psaume 14 poursuit en affirmant que les insensés qui pensent que Dieu n’existe pas seront « saisis d’épouvante ». À ce propos, dans son commentaire, Kidner cite C S Lewis (l’auteur du Monde de Narnia) : « À la fin, il faut que ce Visage qui fait le délice ou la terreur de l’univers, soit tourné vers chacun de nous (…) pour conférer une gloire inexprimable ou infliger une honte qu’on ne saurait jamais guérir ni déguiser ».
Question « contrôle de l’honnêteté » numéro 1 : à l’intention des athées
Dans quelle mesure les choix éthiques l’emportent-ils sur la rigueur intellectuelle ? Loin de moi de dire que les athées n’ont pas de valeurs éthiques ! Que la position athée soit cohérente ou non – nous avons déjà abordé cet aspect dans ce livre – n’est pas la question ici. Il s’agit plutôt de la prise de conscience que l’existence d’un Dieu à qui on aurait des comptes à rendre est très gênante pour celui ou celle qui entend mener sa vie à sa façon. Et se convaincre que Dieu n’existe pas arrange bien les choses. Je pense par exemple, mais pas seulement, à la sexualité. Depuis Diderot qui a publié un roman érotique (anonymement) et le marquis de Sade, en passant par des philosophes plus récents comme Camus ou Sartre, qui ne cachaient pas leur libertinage, jusqu’à Michel Onfray qui fait l’éloge de l’hédonisme, le rapprochement athéisme/liberté sexuelle est indéniable. On ne peut s’empêcher de poser la fameuse question de l’œuf et de la poule : qu’est-ce qui est apparu en premier ? Je répète donc ma question : serait-il possible que l’engouement pour la liberté l’emporte sur la rigueur intellectuelle dès qu’il s’agit de l’existence de Dieu ?
L’honnêteté et les chrétiens(3)
Passons maintenant à l’autre bord dans notre quête d’honnêteté. Bizarrement, il existe un aspect de l’athéisme qui frappe même les croyants ! De quoi s’agit-il donc ? De l’athéisme implicite, par défaut. Je m’explique : c’est lorsque le mode opératoire de la vie du chrétien le conduit à mener sa vie de tous les jours comme si Dieu n’existait pas en fait.
Certains penseurs soutiennent que, justement, le mode opératoire de la société contemporaine débouche inéluctablement sur cette mentalité. Après tout, jour après jour, tout semble aller de soi sans Dieu. On fait ses courses pour une alimentation qui semble toujours disponible. On utilise toutes sortes de moyens de transport mis en place pour contribuer à la facilité d’accès au lieu de travail. L’entreprise où on est salarié a tout planifié par ses services de production et de commercialisation qui s’appuient sur les travaux des spécialistes de gestion de projets. Si on est malade, on va chez le médecin qui prescrit les médicaments adaptés. En un mot, dans la vie de tous les jours, la vie du croyant et celle de l’athée se ressemblent. En effet, le croyant tout comme l’athée gère sa vie, en grande partie du moins, sur le même fondement du visible et du tangible.
Et pourtant l’Évangile, la bonne nouvelle qu’annonce la Bible, affirme que celui qui met sa foi en Jésus mort à sa place reçoit de sa part l’assurance de la vie éternelle. Selon la prière même de Jésus, « La vie éternelle consiste à te connaître, toi, le Dieu unique, et celui que tu as envoyé : Jésus-Christ »(4). En utilisant un mot très prisé à notre époque, le chrétien a une véritable relation avec Dieu.
À partir de ce constat, il est appelé à renoncer de tout son être au « légalisme » qui réduit la relation à un ensemble de règles à suivre, d’autant plus que cette attitude conduit à des tentatives de manipulation (« Tu vois Seigneur, je fais ce que tu veux dans le détail, j’attends donc de toi que tu répondes à mes attentes »). Cela est tout le contraire de l’esprit du christianisme qui conçoit la relation avec Dieu et les autres à travers le don, la grâce – tout ce qui ne se mérite pas.
À partir de là, c’est tout bénéfice pour le disciple de Jésus ! Il profite doublement des bonnes choses de la vie (les bonnes choses qu’il mange et qu’il boit, les belles choses qu’il voit, la musique qu’il écoute…), car non seulement il les vit, mais il les revit plus consciemment en remerciant son Créateur jour après jour. Il profite dans les relations conjugales, car il vit l’immense bonheur de la fidélité dans la durée au cours de son mariage. Il profite au sein de son Église locale en bâtissant des relations avec des personnes de tous âges, de toutes origines et de toutes catégories sociales.
Question « contrôle de l’honnêteté » numéro 2 : à l’intention des croyants
Dans quelle mesure le chrétien est-il conscient du privilège de vivre sa vie en présence de Dieu ? Cherche-t-il à vivre pleinement sa relation avec Dieu au moyen des quatre démarches fondamentales qui lui sont proposées dans les Écritures ? À savoir :
• le désir d’adorer Dieu et de le remercier à tout moment : « Oui, en tout temps je remercierai l’Éternel et à jamais mes lèvres le loueront »(5) ;
• le réflexe de lui faire confiance quelles que soient les circonstances : « Du fond de la détresse, je t’appelle, Éternel »(6) ;
• l’aspiration à l’obéissance en raison de la bonté de Dieu : « Combats le bon combat, avec foi et avec cette bonne conscience dont certains se sont écartés »(7) ;
• l’ambition d’aimer les autres : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »(8).
Je répète donc ma question : serait-il possible que le fait de vivre à une époque et dans une société où tout est planifié et mis en œuvre sans recours à Dieu l’emporte sur le privilège de vivre coram Deo ?
Deux questions pour terminer…
Au terme de ce parcours rapide de l’athéisme, il reste donc à répondre à deux questions fondamentales :
- Est-ce que ma représentation mentale de l’existence correspond bien au réel, à tout le réel ?
- Suis-je sûr de parler de Dieu tel qu’il est et non pas selon mon imagination ou mes préjugés ?
À chacun de répondre… avec toute l’honnêteté et tout le courage qu’il faudra, compte tenu de l’importance de ces questions.