Jésus avait autour de lui des disciples. C’est un des faits historiques les plus incontestables de l’histoire évangélique. Par disciples, il faut comprendre des gens qu’il a formés, selon un mode qui n’était pas inhabituel à l’époque : ils ont marché à ses côtés, l’ont écouté, l’ont observé et ont mémorisé et intégré ses paroles et ses actes.
Ces disciples étaient nombreux, et donc plus ou moins proches de Jésus selon les cas. Mais les quatre évangiles témoignent d’un cercle rapproché : douze disciples spécifiquement appelés par Jésus à se mettre à sa suite. Ce sont ces douze-là qui sont parfois appelés « apôtres ».
Les noms des douze sont donnés dans les évangiles. Certains sont mieux connus que d’autres, leur rencontre avec Jésus est mentionnée, de même que certains épisodes de leur vie ou leurs liens familiaux : Simon (Pierre) et André, deux frères, Jacques et Jean, également frères, et d’autres. Et bien sûr Judas. Même si l’on ne sait pas tout de ces douze, il y a au moins une chose qui est évidente : il n’y avait pas de femmes parmi eux. Il y a des femmes disciples, c’est tout aussi évident ; mais parmi les douze, pas de femme. Pourquoi ce choix de Jésus ?
Pourquoi douze hommes ?
Nous n’avons pas accès à l’intention de Jésus ; et Jésus, lorsqu’il fait son choix, ne le justifie pas. Ce qui veut dire qu’on en est réduit à faire des hypothèses. Lorsque les évangiles racontent l’appel des apôtres, tout est fait pour que l’on comprenne bien que ce qui est important, c’est que Jésus prend l’initiative. Ce n’est pas ce que sont les apôtres qui est important : ce sont des hommes ordinaires. Ce qui est important, c’est que Jésus les appelle à devenir ses disciples et qu’ils répondent favorablement. Le fait qu’ils soient des hommes – et non des femmes – ne peut donc pas être considéré comme un élément essentiel de ce choix.
Plusieurs hypothèses sont avancées, qui sont compatibles entre elles. Si Jésus a choisi douze hommes, disent certains, c’est probablement en partie à cause du statut qui était celui des femmes dans la société de l’époque et de la façon dont étaient conçus les rapports entre hommes et femmes. Pour un groupe de douze personnes qui allaient devoir se trouver régulièrement sur les routes, la mixité n’aurait probablement pas convenu.
De plus, ajoutent d’autres, les apôtres allaient avoir à l’avenir un rôle fondamental de témoins. Or le témoignage des hommes était jugé plus crédible que celui des femmes. Et pourtant, les premiers témoins de la résurrection seront des femmes. Les évangiles insistent lourdement sur ce point. Pour la Bible, elles sont crédibles. Mais les hommes qui entendront leur récit ne les croiront pas.
À ces hypothèses, on peut peut-être ajouter encore ceci : les douze vont représenter quelque chose. De même qu’il y avait douze tribus dans l’Israël de l’Ancien Testament, il y a douze apôtres dans l’Israël renouvelé que Jésus veut créer, ce nouveau peuple, qui appartient à Dieu par la foi en Jésus-Christ. Dans la logique symbolique de l’Ancien Testament, il convenait que ces douze soient des hommes.
Qui peut être disciple ?
Le rôle des femmes dans l’Église fait débat dans certains courants chrétiens. Mais l’identité masculine des apôtres n’a pas vraiment de rapport avec ce débat. On peut difficilement en tirer des conclusions sur les rapports hommes/femmes, ou sur le rapport des femmes à la foi ou à l’Église. En effet, Jésus ne justifie aucunement son choix, et les raisons suggérées ne sont qu’hypothétiques. La motivation, pour autant qu’on puisse en juger, se situe sur un autre plan.
Ce qui est important, c’est de comprendre les conséquences que les évangiles eux-mêmes tirent de l’exemple des douze apôtres. C’est par l’intermédiaire du groupe des douze que l’on apprend ce qu’est un disciple. Mais pour que l’on ne pense pas que seuls douze hommes sont concernés, les évangiles montrent comment de nombreux hommes et femmes ordinaires, qui sont ou ne sont pas explicitement appelés « disciples », agissent comme des disciples, ou des disciples potentiels. Hommes et femmes sont ainsi appelés à répondre à l’appel de Jésus, à apprendre de lui et à se mettre à son service.