En France, le livre de Romain Gary, Les racines du ciel, couronné par le prix Goncourt en 1956, est qualifié de « premier roman écologique ». Mais dans la préface de l’édition de 1980, l’auteur reconnaît qu’il ne mesurait pas alors « l’étendue des destructions qui se perpétraient ni toute l’ampleur du péril ». Le personnage principal de ce roman, Morel, est pris dans une intrigue écologico-politique aussi brillante que complexe et subtile, sur fond de décolonisation. Mais il est encore la figure de l’idéaliste que l’on ne prend guère au sérieux dans son combat pour la défense des éléphants d’Afrique et de la nature. Un autre personnage phare de ce roman, Peer Qvist, naturaliste danois, transporte une vieille bible qui ne le quitte jamais, de la taïga du Grand Nord lapon aux forêts équatoriales africaines : on comprend qu’il y trouve l’inspiration pour mettre toute son énergie à combattre en faveur de la nature dans le monde entier, de façon parfois ambiguë et néanmoins convaincue lorsqu’il se heurte aux pouvoirs politiques.
Aux États-Unis, en 1960, Rachel Carson (1907-1964), publie son ouvrage, Printemps silencieux, qui fait date dans l’histoire de l’écologie moderne. Elle est l’une des premières à dénoncer avec vigueur, preuves scientifiques indubitables à l’appui, les ravages de l’utilisation abusive de l’arsenal chimique mis à disposition des agriculteurs, afin de réduire les populations d’insectes nuisibles et les plantes adventices.
L’écologie devient ensuite une science reconnue et enseignée dans les universités. Elle est également érigée en mouvement idéologique, avec son versant politique, aux visées plus discutables lorsqu’elles sont teintées de contre-culture soixante-huitarde, d’idées révolutionnaires ou de spiritualité diffuse, sectaire ou nébuleuse, et bientôt d’alter-mondialisme plus souvent rouge vif que vert tendre. Que l’écologie soit une composante incontournable de tout pouvoir politique, et considérée comme telle à sa juste valeur, devrait être une cause entendue ; mais faut-il pour autant créer un parti écologiste, quand les données de l’exercice politique dépassent de loin les seules perspectives environnementales ? Les questions écologiques sortent d’ailleurs du cadre trop étroit des seules limites nationales : on n’arrête pas la pollution aux frontières !