Au Proche-Orient ancien, les scribes avaient recours à plusieurs types de supports. En Mésopotamie et en Syrie surtout, ils écrivaient sur des tablettes d’argile. Les inscriptions monumentales étaient gravées sur des stèles en pierre (on en a trouvé des fragments datant de la fin du 8ème siècle av. J.-C. à Jérusalem et à Samarie). Pour le quotidien, on écrivait à l’encre sur des fragments de poterie (« ostraca »). Nous avons ainsi retrouvé des « factures », des listes, des lettres, etc., qui nous révèlent toutes sortes d’aspects de la vie de tous les jours.
Les rouleaux et les livres bibliques
Les textes « longs » comme les livres bibliques étaient certainement conservés sur des rouleaux de papyrus (cf. Jérémie 36), ou même des parchemins (cuir). Malheureusement, dans le climat de Palestine, ces supports sont périssables ! Presque tout a disparu. On sait que de nombreux papyri existaient, car on a découvert des centaines de « bulles » d’argile qui servaient à les sceller, une fois enroulés et liés. Mais un seul papyrus en hébreu de l’époque royale a été retrouvé ! Et encore, on ne scellait que les textes dont le contenu devait être caché ou protégé (lettres, documents légaux). Pas étonnant, dans ces conditions, que les manuscrits originaux de l’Ancien Testament n’aient pas été conservés (cf. le chapitre 4)…
On trouve peu d’inscriptions des 10ème-9ème siècles, davantage au 8ème siècle. Certains estiment qu’il n’existait guère d’œuvres d’envergure dans le royaume de Juda avant le règne d’Ézéchias (autour de 700). Mais ce raisonnement ne convainc pas les spécialistes de l’écriture comme André Lemaire, Alan Millard ou Christopher Rollston(1). En effet, comme on vient de le voir, la quantité et la longueur des textes qui existaient est loin d’être proportionnelle à celle que l’on retrouve !
De plus, on a découvert à Deir ‘Alla une inscription du début du 8ème siècle, faite à l’encre sur un mur. Ce long texte, divisé en colonnes, reproduit soigneusement la forme d’un rouleau. Son titre désigne l’auteur comme « Balaam, fils de Béor, l’homme qui voit les dieux », un personnage déjà mentionné dans la Bible ! (cf. Nombres 22-24) On tient ici la preuve que dès le début du 8ème siècle, on pouvait produire un ouvrage prophétique sur un rouleau. C’est justement l’époque d’Amos, l’un des premiers prophètes dont les oracles forment un livre biblique.
Deir ‘Alla se trouve dans la vallée du Jourdain, à la frontière d’Israël (à l’époque) et seulement 80 km de Jérusalem. Mais à Jérusalem même, des archéologues ont signalé en 2007 la découverte d’environ 150 « bulles » d’argile. Elles avaient servi à sceller des papyri datant d’environ un siècle avant Ézéchias(2). Les découvertes se multiplient dans la région, comme celle en 2009 d’un ostracon d’environ 1000 av. J.-C. à Khirbet Qeiyafa. Et il serait ridicule de croire que les habitants ont attendu l’an 800 pour découvrir le papyrus ! Ils entretenaient depuis toujours des liens avec l’Égypte toute proche, d’où on pouvait importer ce support. Rien ne s’oppose donc à l’idée qu’au 10ème siècle (ou même avant), de véritables œuvres littéraires aient existé à Jérusalem. Il a pu s’agir de sources des livres bibliques (cf. le chapitre 1), ou même de livres bibliques existant déjà sous une certaine forme.
Les plus anciens manuscrits bibliques connus
Finalement, seule une longue chaîne de copistes a permis, siècle après siècle, de transmettre les textes de la Bible. Les plus anciens manuscrits préservés (250 av. - 60 ap. J.-C.) ont été trouvés dans des grottes au bord de la mer Morte. Une partie au moins a pu être copiée par des religieux vivant en communauté dans le site, proche, de Qumrân. Leur importance est capitale pour l’histoire de la transmission des textes bibliques, comme nous le verrons au chapitre 4.