Cette réflexion célèbre de Karl Marx touche parfois juste, hélas ! On peut rechercher dans l’expérience religieuse le même effet que celui d’une drogue : s’évader de la réalité, oublier ses difficultés et ses angoisses, se créer un paradis imaginaire, avec pour conséquence le repli dans le fanatisme ou le cocon d’une secte. Notons au passage que dans ce domaine, la religion a des concurrents ! Les divertissements et autres matraquages des médias qui nous vendent du rêve de quatre sous, le culte du sport et des loisirs, l’essor du « virtuel », la publicité qui fait de la consommation un but pour la vie, sans oublier les drogues, légales ou pas.
Restons-en au religieux. Si Marx l’accusait, c’est aussi parce que des Églises ont parfois servi les systèmes d’oppression économique, politique, en pervertissant le message de l’Évangile qu’elles avaient à transmettre : « vous êtes pauvres ? Mais c’est la volonté de Dieu et l’Évangile valorise la pauvreté ». « Vous souffrez aujourd’hui ? Mais au ciel, ça ira mieux ! ». Certains se sont référés à Dieu et à la Bible, notamment dans les deux derniers siècles, pour justifier l’exploitation, l’esclavage, l’apartheid, l’oppression des femmes.
Mais peut-on juger une cause en fonction de ceux qui la trahissent ? J’aime bien lire sur les camions de l’association Emmaüs, fondée par un chrétien : « On peut changer le monde ». Car Jésus-Christ n’est pas venu pour nous faire changer de monde. Quand il affirme « mon Royaume n’est pas de ce monde »(1) il ne veut pas dire : « ne vous intéressez pas à ce qui se passe sur terre » mais : « je viens créer dans ce monde un ordre différent de celui des puissances qui prétendent diriger la terre. Pas par la force de l’argent, des armes ou des idéologies, mais par mon amour. »
Est-ce utopique, illusoire ? S’il fallait compter sur nos propres forces pour créer la paix, la justice, la fraternité, autant renoncer tout de suite, comme Staline, sinistre dealer d’opium politique, qui aurait déclaré : « De toute façon, c’est toujours la mort qui gagne. » Or, les chrétiens croient que leur maître, un certain dimanche matin, vers l’an 32 à Jérusalem, est sorti du tombeau et qu’il est avec eux tous les jours, jusqu’à sa victoire définitive sur le mal et la mort. Si la religion est l’opium du peuple, la foi, l’amour et l’espérance sont le stimulant de ceux qui misent sur Jésus-Christ ! Lui qui disait : « Veillez », c’est-à-dire : Restez debout : résistez. Ne vous résignez jamais à la fatalité des guerres, des maladies, des injustices, de l’indifférence, de l’égoïsme, et de tous vos échecs. Tout cela, je l’ai vaincu par ma croix et ma résurrection.