Un jour, vous ouvrez votre Bible au troisième chapitre de l’évangile de Jean : « Dieu a tant aimé le monde… ». Le lendemain, vous tombez sur des pages du livre de Josué où Dieu mène son peuple au combat et lui demande de ne pas faire de quartier… Tout à coup un doute vous envahit. Parle-t-on du même Dieu ? Le message de l’Ancien Testament est-il compatible avec celui du Nouveau ? La question est légitime.
Une fausse solution : opposer les deux parties de la Bible
Une solution serait de sélectionner les « meilleurs » passages de la Bible. Beaucoup ont été tentés de le faire. Au 2ème siècle déjà, un dénommé Marcion avait supprimé de la Bible l’Ancien Testament et certains passages du Nouveau. Solution radicale, fermement rejetée par l’Église. Question de principe aussi. En effet, sur quels critères va-t-on opérer la sélection ? Je peux garder tous les textes qui parlent d’amour. Mais si quelqu’un d’autre ne gardait que les passages qui parlent de guerre et de violence, comment pourrais-je le critiquer ? N’aurions-nous pas fait la même chose, même si c’est avec des intentions différentes ? N’aurions-nous pas simplement fait de Dieu une image taillée sur mesure ? Une image qui nous ressemble ?
Cette solution n’est pas juste. Le procédé est malhonnête. La Bible se donne comme un tout. D’ailleurs, à y regarder de plus près, on se rend compte que cette opposition radicale entre Ancien et Nouveau Testament ne tient pas la route. Dans le premier, Dieu dit à son peuple : « Je t’aime d’un amour éternel ; c’est pourquoi je te conserve ma fidélité » (Jérémie 31.3). Et on peut lire dans le second : « La colère de Dieu se révèle depuis le ciel contre toute impiété… » (Romains 1.18). Le Dieu de l’Ancien Testament apparaît comme un Dieu d’amour et celui du Nouveau comme un juge implacable ! Il n’est donc pas juste d’opposer les deux parties de la Bible.
Pour comprendre les différences
Toutefois certains passages bibliques semblent donner raison à ceux qui soulignent la différence. On lit par exemple dans l’évangile de Jean (1.17) : « La Loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ ». D’un côté Moïse et la Loi ; de l’autre Jésus, la grâce et la vérité. La différence est clairement affirmée. Si Dieu est le même à travers toute la Bible, pourquoi ces différences ?
On doit reconnaître que la relation entre l’Ancien et le Nouveau Testament est faite de continuité et de discontinuité. Pour la théologie chrétienne, la venue de Jésus constitue un événement unique qui bouleverse la relation Dieu-homme. Lorsque Jésus apparaît, le plan de Dieu entre dans son étape décisive. Une véritable rupture s’opère, au point que tout ce qui s’est produit avant sa venue devient « ancien ». C’est pourquoi les chrétiens parlent d’un Ancien et d’un Nouveau Testament, ou encore d’une ancienne et d’une nouvelle alliance. L’élément nouveau c’est qu’en Jésus, Dieu lui-même vient rencontrer les humains. Le Fils de Dieu vient manifester le grand amour du Père ; il vient subir à la place des hommes la condamnation qui pesait sur eux à cause du mal qu’ils avaient commis. À partir de cet événement décisif, les choses peuvent redémarrer sur de nouvelles bases.
Pour un chrétien, l’ancienne alliance conclue au Sinaï à l’époque de Moïse (Exode 24) était provisoire ; elle n’offrait pas de solution radicale au problème du mal qui gangrène l’humanité. Elle était même vouée à l’échec. Le livre du Deutéronome l’annonce clairement quand il affirme qu’un jour cette alliance sera rompue (Deutéronome 31.16-18).
De ce point de vue, l’Ancien Testament est la chronique d’un échec annoncé ! Mais cet échec fait partie du plan de Dieu. Il vise à faire comprendre que l’homme ne peut, par lui-même, éradiquer le mal qui l’habite profondément. En s’éloignant du modèle voulu par Dieu, il s’éloigne aussi, inexorablement, de Dieu qui est la source de la Vie ; ainsi il se condamne à la mort. Toute l’histoire du peuple de l’ancienne alliance le démontre. Les appels des prophètes n’y ont rien changé. Et le sort dramatique qui s’abat sur les désobéissants, qu’ils soient égyptiens (Exode), cananéens (conquête) ou… israélites (exil), résonne comme l’écho sinistre d’un jugement final inévitable : s’éloigner de Dieu, c’est la mort !
Le message du Nouveau Testament est déjà annoncé dans l’Ancien
Mais l’histoire de l’ancienne alliance n’est pas seulement celle d’un échec. Elle est aussi porteuse d’espérance. Elle est émaillée de signes indiquant que Dieu a un plan dont il prépare la réalisation. C’est, par exemple, le choix d’Abraham qui, en dépit de ses faiblesses, sait mettre toute sa confiance en Dieu et devient ainsi un modèle de foi. C’est aussi la désignation de David, petit dernier de la famille que personne ne remarquait, mais que Dieu élève à la plus haute fonction. C’est encore la mise en avant d’un mystérieux serviteur portant les souffrances d’une multitude (Ésaïe 53)… Autant de personnages qui annoncent les contours de celui qui vient : Dieu le Fils se faisant homme, humble parmi les humbles, venant prendre sur lui les conséquences du mal et vaincre la mort ; mais aussi relever celles et ceux qui se confient en son humiliation plutôt qu’en leur orgueil. Car l’orgueil humain n’est que folle prétention; l’humble venue de Dieu est la seule force capable de sauver.
Conclusion
Est-ce le même Dieu qui produit dans la Bible d’un côté le jugement et de l’autre le salut ? La réponse est oui ! Dès le commencement, Dieu œuvre pour le salut mais il ne l’impose pas. Ceux qui le refusent sciemment se condamnent à l’éloignement définitif de la source de la vie ; leur jugement, c’est la mort éternelle. À l’inverse, ceux qui placent leur confiance en Jésus-Christ s’approchent de Dieu, source de salut et de vie éternelle. Ces deux facettes de l’agir divin sont présentes tout au long de la Bible. Elles nous disent qui est Dieu. L’Ancien Testament insiste sans doute de manière plus spectaculaire sur la notion de jugement ; le Nouveau sur l’amour. Cela peut donner le sentiment d’une grande différence. Mais il nous faut entendre le message complet délivré, dans la Bible, par une seul et même Dieu. Dieu d’amour, il est prêt à s’humilier au plus bas pour sauver de la mort. Dieu d’amour, il se refuse à imposer la seule solution qui peut sauver. La balle est dans notre camp : refuser ou accepter.