Nous constatons depuis un certain temps dans les milieux pentecôtistes-charismatiques l’émergence de ministères dits “prophétiques”. Parmi eux, certains exercent leur don au sein de communautés ou fédérations d’Églises et en collaboration avec d’autres ministères. Même si leur reconnaissance et leur exercice n’ont pas toujours été sans mal, ils ne soulèvent pas les mêmes questions que ceux qui revendiquent une certaine indépendance. La pratique de ces derniers soulève bien des réactions, allant de la crainte au rejet pur et simple.
Ce sujet a été proposé afin de poser (ou de rappeler) un fondement pour une gestion biblique de ce type de ministère. Par gestion, nous entendons le fait de créer les conditions favorables pour la reconnaissance et l’exercice de ce ministère particulier, en d’autres termes, son accompagnement en vue d’accueillir ce que l'Esprit veut faire et dire dans l'Église aujourd’hui : accueillir dans toute sa plénitude, c’est-à-dire sans chercher à contrôler ou à freiner, l’action souveraine de Dieu.
Nous affirmons que l'absence de gestion de la vie charismatique dans son ensemble, et dans le cas du ministère prophétique en particulier, n'est en rien assimilable à la liberté de l'Esprit si chère aux charismatiques. L'absence de gestion serait même le plus mauvais service que nous pourrions rendre à la “vie de l'Esprit”.
La gestion de cette expression de la spiritualité appartient à la responsabilité de l'Église et des ministères de gouvernement ; c'est même un signe de maturité. (Ap 2. 2).
Cette gestion doit être dépouillée de toute volonté de contrôle et pour cela, être vécue dans un esprit ouvert de recherche et avec une capacité permanente de remise en question de part et d’autre.
DEUX REMARQUES PRÉALABLES
• La question de la gestion du ministère prophétique nous renvoie aux notions de base sur le ministère en général : définition, appel, formation, reconnaissance, etc. Ces principes fondamentaux sont également valables pour le ministère prophétique. Il est toutefois nécessaire de les rappeler en raison du caractère surnaturel ou spectaculaire particulièrement marqué de la dimension prophétique et aussi de la relative nouveauté de son émergence au sein de l’Église.
• Nous n'avons pas d'indication précise sur la nature et le fonctionnement du ministère prophétique dans le Nouveau Testament. Il faut donc avancer avec beaucoup de prudence. Il semble que le Nouveau Testament en parle comme d'une réalité connue, sans qu'il soit nécessaire d'en préciser le contenu. Il y a plus de données pour le ministère apostolique que pour le ministère prophétique, soit par les définitions qu'en donne Paul, soit par les descriptions qu'il en fait. Les deux sont étroitement associés en tant que fondement de l’Église (Ep. 2 .20).
PRÉCÉDENTS
L’Ancien Testament est plus riche en évocation du ministère prophétique ; la confusion entre le modèle vétérotestamentaire et le modèle néotestamentaire devient donc difficile à éviter. C’est un risque majeur.
Il faut cependant revenir un instant à l’Ancien Testament pour rappeler, d‘une part la spécificité de ce ministère dans l’Ancienne Alliance et d’autre part, pour relever les différences essentielles avec celui de la Nouvelle Alliance. Je rappellerai les différents mots hébreux qu’on traduit généralement par “prophète” :
• "nabi" désigne “celui qui a été appelé”. Le prophète est un homme élu pour proclamer. Il assiste au conseil de Dieu pour entendre la parole de Dieu et la transmettre aux hommes (Jé 23.16-18).
• "voyant" est employé pour Samuel. Le prophète est un visionnaire. (1 Sa 9.19).
• "homme de Dieu" évoque celui qui est consacré et qui jouit d'une communion spéciale avec Dieu (2 R 4.8.).
On comprend la prophétie comme le “dévoilement écrit ou oral par un porte-parole humain de la révélation de Dieu et de sa volonté”.
On consulte donc le prophète pour connaître la voix de Dieu. Il a un rôle d'intermédiaire.
Dans l’Ancienne Alliance, les prophètes étaient des porte-parole. Leur fonction principale était d'être des porte-parole de Dieu pour leurs contemporains.
Moïse a été le premier médiateur porte-parole de Dieu auprès du peuple. C'est suite à l'épisode du Sinaï que, effrayé par la manifestation de la présence de Dieu, le peuple en avait fait la demande. Dieu lui promis à ce moment-là une lignée de prophètes comme Moïse, dont Christ sera le plein aboutissement.(De 18.15).
Aujourd'hui, chaque croyant a un accès libre et immédiat auprès de Dieu grâce à la prière et au Saint-Esprit. C'est la définition du sacerdoce universel que le protestantisme a su remettre à l’honneur.
Ainsi donc, la prière de Moïse en Nombres 11.29 “Puisse tout le peuple de Dieu être composé de prophètes et l'Esprit de Dieu être sur chacun d'eux” est maintenant exaucée depuis la Pentecôte.
Cela est déjà une indication précieuse et fondamentale sur la gestion de la prophétie dans la nouvelle alliance : le prophète n'est plus et ne peut plus être un médiateur. C’est un point essentiel qu’on oublie trop facilement dans la pratique.
D'autre part, les prophètes de l’Ancien Testament ont été suscités par Dieu dans un temps d'apostasie pour Israël et pour le sacerdoce lévitique. Leur mission consistait en tout premier lieu à ramener le peuple vers Dieu. L'école prophétique est née avec Samuel suite au déclin du sacerdoce lévitique.
UN MALENTENDU
Il faut encore préciser la signification de la prophétie. Par prophétie, on entend généralement la prédiction d'un événement futur, si bien que prophétie et prédiction sont devenus synonymes dans le langage courant.
Or, les statistiques montrent que :
• moins de 2 % des prophéties de l’Ancien Testament sont d'ordre messianique.
• moins de 5 % décrivent de façon spécifique l'âge de la nouvelle alliance.
• et moins de 1 % concernent les événements encore à venir.
(Source : Gordon Fee et Douglas Stuart, “Un nouveau regard sur la Bible”, éditions Vida).
Les prophètes annonçaient généralement l'avenir immédiat d'Israël, de Juda, et des nations qui les entouraient, plutôt que le nôtre.
...
...