Cette fois-ci l'édito sera plus long que d'habitude, histoire de tirer ma révérence en tant que rédacteur en chef des Cahiers. Je vais laisser la place à Nicolas Farelly, directeur de l'École Pastorale et auteur de l'article sur la discipline d'Église. C'est lui qui dirigera désormais le travail de rédaction à compter du prochain numéro.
J'écris ces lignes au début d'une nouvelle année, quand se préparent des réunions de prière pour l'unité des chrétiens — dans beaucoup de villes cela se fait malheureusement en deux temps, l'un évangélique et l'autre oecuménique. Toutefois le plus important est bien que ces réunions de prière existent au regard de la fragmentation de l'Église visible.
Lors d'une rencontre pour préparer une célébration interconfes-sionnelle de prière à Perpignan, je discutais avec le prêtre chargé des relations oecuméniques. Il était question des différentes cultures qui se manifestent aujourd'hui dans l'Église. Je lui ai offert le hors-série de nos Cahiers consacré, justement, à ce thème : l'Église dans la société multiculturelle. En feuilletant ce livre, il a trouvé un article écrit par un autre prêtre, Jean-Marie Petitclerc, éducateur spécialisé auprès des adolescents issus de quartiers "sensibles".
Visiblement très content de repérer un auteur de sa confession dans cet ouvrage très évangélique, il m'a offert en retour un petit livre de ce même auteur dans lequel il raconte sa vocation.
Quelques éléments en particulier m'ont frappé. J'aimerais les partager avec vous et y ajouter quelques commentaires.
Dans ce livre, Pourquoi je suis devenu prêtre, Bayard 2009, l'auteur explique qu'une vocation se construit dans le for intérieur à partir des rencontres, des évènements et des circonstances qui nous interpellent par rapport à la question : que dois-je faire de ma vie ? Que vais-je devenir ? Ce sont autant de "signes", dit-il, qui nous mettent sur une piste, surtout pendant l'enfance et l'adolescence.
"Je crois que tout chrétien répond à une vocation. Il y a deux manières de vivre sa vie d'homme : se laisser porter par une succession de hasards et de nécessités, ou bien se dire qu'on est sur terre pour y faire quelque chose, pour répondre à un appel. Il s'agit donc de discerner les signes qui montrent à quoi on est appelé" (p. 50).
Quant à lui, il a rencontré des personnes qui ont nourri sa vocation de prêtre-éducateur : "Le premier signe a été, à neuf ans, la voix de ce jeune prédicateur, puis s'est produit un accident grave qui m'a longtemps immobilisé, et l'achat du livre sur la vie de Don Bosco".
Devenir prêtre, c'est répondre à un appel. Mais, souligne-t-il, une telle vocation ne concerne pas que les prêtres (comprenez aussi : pasteurs, évangélistes, anciens ou encore missionnaires).
« Mon frère qui est médecin a répondu, lui aussi, à un appel. Tout chrétien reçoit un appel. Il faut savoir déchiffrer tous ces signes et voir comment ils prennent sens dans une vie qui se veut une réponse à un appel. Croire en Dieu le Père nécessite d'apprendre à accomplir Sa volonté. Pour cela, il faut apprendre à discerner tous les signes qu'il nous envoie pour nous montrer quel peut être notre rôle sur terre. Pour les chrétiens transparaît la dimension d'altruisme. Nous considérons que notre vie nous a été donnée pour que nous la donnions à notre tour, en répondant à cet appel de Dieu » (p. 50-51).
À cela s'ajoute une deuxième réflexion tout aussi importante : l'écoute et l'accompagnement de ceux qui se posent des questions par rapport à une éventuelle vocation pastorale ou missionnaire. Cela nous renvoie à une responsabilité particulière que nous avons en tant que responsables d'Églises. Il arrive, plus souvent que ne le pensent les adultes, que les enfants, les jeunes et les adolescents, se sentent interpellés par l'oeuvre du Seigneur. Une idée de vocation les effleure, mais comment peuvent-ils y voir plus clair ?
Il est important que les adultes qui les entourent, y compris les pasteurs, soient attentifs à ce qu'ils vivent et qu'ils nourrissent un lien de confiance avec eux. Cela permet de discerner les signes d'une vocation et de répondre à la question : sommes-nous seulement dans l'imaginaire d'un jeune qui se sent appelé par le Seigneur ou existe-t-il des signes tangibles qui permettent de dire : voilà ma voie ? Je cite : "On ne peut discerner ces signes qu'accompagné par un adulte en qui on a confiance et, surtout au moment de l'adolescence, par d'autres jeunes qui se posent les mêmes questions" (p. 53).
Échanger, pour vérifier comment Dieu nous guide et s'assurer que ce n'est pas une histoire qu'on se raconte, c'est cela qui importe. Et Jean-Marie Petitclerc de poursuivre :
"Seul, on est mal placé pour relire sa vie, comprendre ces signes. Quand un jeune garçon vient me voir pour me parler de l'appel qu'il ressent et qu'il évoque secrètement, je lui dis : non, cela ne peut pas être un secret. Il faut échanger avec d'autres, c'est comme cela que tu vas avancer, pas en gardant ton secret" (p. 54).
En tant que protestant évangélique, je reprends ces réflexions de mon frère catholique romain à mon compte. Elles sont d'une pertinence certaine pour les communautés dont nous faisons partie et dans lesquelles nous avons une fonction de responsabilité. Je forme le voeu que nos Églises soient des lieux où nous pouvons tous discerner des signes de notre vocation, quelle qu'elle soit, et où nous pouvons les assumer comme notre mission dans la vie. Que chaque ministère dans l'Église soit vécu comme un privilège et un honneur, avec une joie et une satisfaction qui donnent envie aux autres de s'y consacrer. Que nos métiers et nos occupations dans le monde soient vécus comme autant de vocations de la part du Seigneur.
Evert Van de Poll