“Moi, je ne suis pas théologien !” Il m’arrive, de temps à autre, d’entendre ces paroles dans la bouche de pasteurs. Mais que veulent-ils dire par là ?
Certainement qu’ils sont “pasteurs de terrain” avant tout, des bergers prenant soin de leur troupeau, “mettant les mains dans le cambouis”. Se souciant et accompagnant les tracas, combats spirituels et autres questionnements intérieurs des membres de leur Église. Œuvrant probablement plus dans le domaine de l’évangélisation que de l’enseignement, ils se présentent ainsi parce qu’ils n’ont ni le temps, ni l’énergie pour l’étude ou la recherche théologique – ou pour la recherche exégétique poussée des passages bibliques sur lesquels ils prêchent ou apportent une étude biblique. Il peut évidemment leur arriver de lire des ouvrages théologiques plus ou moins académiques, ou tout simplement de réfléchir aux implications de telle ou telle doctrine ou passage biblique, mais là n’est pas leur passion.
S’ils se présentent comme non-théologiens, c’est aussi, à mon avis pour se distancier non seulement des théologiens “de métier” (les professeurs de facultés ou d’instituts bibliques), mais aussi de celles et ceux qui, parmi leurs pairs, seraient particulièrement enclins à l’étude. De celles et ceux qui passent du temps (même pour le plaisir !) dans les livres. Je ne crois pas qu’ils les critiquent en s’en distanciant, mais ils ne veulent pas, ou ne pensent pas, devoir être identifiés comme “théologiens”.
Loin de moi, ici, de vouloir critiquer ces pasteurs ou leur ministère. Ils sont sans aucun doute fidèles à leur appel, y répondant en mettant en œuvre leurs charismes spécifiques. Cependant, je trouve cette distanciation avec ce terme de “théologien” – même si je pense la comprendre – troublante et mal à propos. Pourquoi ? Eh bien parce que, qu’il le veuille ou non, tout pasteur est et doit être théologien. Le ministère pastoral ne peut se passer de la théologie. J’ose pousser le bouchon un peu plus loin : un pasteur qui ne serait pas théologien est un danger pour son Église.
En effet, tous les pasteurs sont a minima les premiers théologiens de leur Église ! À travers leur ministère, ils apportent un véritable leadership théologique dans l’Église locale qui repose et compte sur eux pour bien penser la foi. Ils sont garants de l’enseignement pourvu et répondent à l’exhortation de Paul à Timothée de “garder le bon dépôt”. De ce fait, ils n’ont pas à rougir, et ils ne doivent certainement pas penser qu’ils usurperaient le terme en se pensant “théologiens”. Ils sont théologiens, a minima localement.
Si tel est le cas, en tant que théologien, un pasteur ou un ancien ne doit donc pas oublier de nourrir cette fonction essentielle à son ministère. L’étude théologique n’est peut-être pas sa “tasse de thé”, mais il est néanmoins important pour lui de continuer d’étudier, de se tenir au fait, de nourrir sa pensée, d’apprendre à toujours mieux lire et comprendre les Écritures pour pouvoir transmettre son message fidèlement.
Bien évidemment, ceci (“tout pasteur, un théologien”) ne remet pas en question le fait qu’il existe des ministères pastoraux plus enclins à l’étude de la théologie que d’autres. C’est une évidence et c’est très bien ainsi. Si tous n’ont pas les mêmes charismes, c’est que Dieu a voulu que le corps pastoral de son Église soit divers. Cela dit, il m’a semblé important de rappeler – mais il est possible que je prêche à des lecteurs convaincus ! – la responsabilité théologique reposant indubitablement sur les épaules pastorales, quelles qu’elles soient. Tous ne seront pas aussi doués théologiquement que l’apôtre Paul, mais tous devront répondre aux critères qu’il a lui-même établis pour les anciens dans les Églises, dont celui d’être “apte à l’enseignement” (1 Tm 3.2). Sans oublier, d’ailleurs, que Paul, le grand théologien, était aussi un homme de terrain !
En tout cas, si les Cahiers de l’École pastorale peuvent jouer un rôle dans la formation du théologien que vous êtes, nous ne pouvons qu’être reconnaissants !
Nicolas Farelly