Paul Gerhardt (1607-1676), pasteur à Berlin tombe en disgrâce et fut destitué et chassé par le prince-électeur Frédéric-Guillaume il se mit en route (1666) avec sa femme et ses enfants pour retourner en Saxe, ssa terre natale. En chemin la famille épuisée entra dans une auberge. La femme du pasteur pensant à sa triste situation se laissa aller au désespoir. Gerhardt prit la Bible et lut à haute voix le psaume 37. Après la lecture il répéta à sa femme le verset 5 : « Rejette ton fardeau sur l’Eternel, confie-toi en lui et c’est lui qui agira ».
Ensuite il alla au jardin et s’assit sous un arbre et composa le beau cantique « Befieehl du deine Wege » (connut en français sous le titre : Confie à dieu ta route), dont voici une traduction :
Remets ta voie et ce qui blesse ton cœur aux soins fidèles de Celui qui régit les cieux. Celui qui trace aux nuages, à l’air et aux vents leur route, leur cours et leur carrière, Celui-là trouvera aussi des chemins où ton pied pourra marcher.
Il faut te confier au Seigneur si tu veux être heureux ; il faut contempler son œuvre, si tu veux faire durer la tienne. Dieu ne se laisse rien arracher par les soucis, les chagrins et les tourments mais il se laisse fléchir par la prière.
Ta fidélité et ta grâce éternelle, savent bien, Ô Père, ce qui est bon et nuisible à la race mortelle ; et ce que tu as décidé, tu l’exécutes, toi, invincible héros, et tu mènes à bonne fin ce qui plait à ta sagesse.
Tes sentiers sont partout ; il ne te manque aucun moyen ; tes actions sont toute bénédiction, ta marche est toute lumière. Personne ne peut arrêter ton œuvre, ton travail ne cesse point, lorsque tu veux faire ce qui est salutaire à tes enfants.
Et quand même tous les démons voudraient s’opposer à Dieu, il ne reculera pas, sans aucun doute. Ce qu’il a résolu et ce qu’il veut qui soit, arrivera enfin et atteindra son but.
Espère, ô pauvre âme, espère et sois sans peur ! Dieu veut te fera sortir de l’abîme où le chagrin te tourmente. Attends seulement le temps marqué et alors tu verras le soleil de la plus belle joie !
Relève-toi ! Relève-toi ! Dis adieu à tes larmes et à tes peines ; renvoie ce qui afflige et attriste ton cœur. Tu n’es pas souverain, tu ne gouvernes pas, c’est Dieu qui siège au gouvernail et conduit bien des choses.
Laisse le faire, lui, c’est un sage Seigneur, et il fera si bien que tu seras étonné, quand, ainsi qu’il lui appartient il aura accompli par sa sagesse miraculeuse ce qui remplissait ton cœur d’inquiétude.
Pendant un temps, il est vrai il tardera à te consoler, et il fera comme si dans ses desseins, il t’avait oublié, comme si dorénavant tu devais vivre dans l’anxiété et la douleur, comme s’il ne tenait plus compte de toi.
Mais s’il se trouve que tu lui restes fidèle, alors il te délivrera au moment où tu l’espéreras le moins il déchargera ton cœur du lourd fardeau, que tu auras porté jusqu’alors mais sans qu’il t’ait nui.
Bonheur à toi, enfant de la fidélité ; tu remporteras avec reconnaissance et sans aucun sujet de regret, la victoire et la couronne d’honneur. Dieu te mettra lui-même la palme dans la main droite et tu chanteras des cantiques d’action de grâce à Celui qui aura changé ton chagrin en joie.
Mets fin, Ô Seigneur, mets fin à tous nos maux ; donne de la force à nos pieds et à nos mains et que tes soins et ta grâce nous protège jusqu’à la mort ; alors notre chemin nous mènera surement au ciel...
Lorsque ce cantique fut composé, Gerhardt le remet à sa femme qui y trouva beaucoup de force et de consolation dans ces paroles. Quelques instants après, deux voyageurs entraient dans l’auberge. Une conversation s’engagea entre eux et la famille affligée. . C’étaient deux envoyés du Duc de Mersebourg chargés d’aller à Berlin remettre au pasteur Gerhardt une lettre par laquelle leur souverain invitait Gerhardt à venir auprès de lui. Quelle surprise, quelle joie pour cette pauvre famille affligée ! le pasteur lut la lettre et la remit à sa femme. Ne t’avais-je pas dit « Confie-toi en lui et c’est lui qui agira ».
Ce magnifique cantique, l’un des plus beaux cantiques en allemand, fut imprimé plus tard et il en tomba un exemplaire entre les mains du prince-électeur Frédéric-Guillaume.
-qui peut être l’homme qui a composé ce beau cantique, demanda-t-il.
-c’est Paul Gerhardt, à qui Votre altesse a défendu le séjour de la Prusse.
Le prince regretta beaucoup son geste et invita Gerhardt à revenir à Berlin. Mais ce dernier préféra rester à Lübben jusqu’à sa mort.
Source : J. Schneider, Essai sur la poésie religieuse en Allemagne, Société des Livres Religieux, Toulouse, 1862, p 51-52.