Jean de La Varende (1887-1959) est décédé le 8 juin 1959. C’est un écrivain français, auteur de romans, de biographies, et de plus de 200 nouvelles.
Dans l’une d’elle « Le Boscranes » (Contes Fervents), il évoque une vieille demoiselle protestante lisant la Bible, Madeleine Squameuse.
Elle appartenait à une ancienne famille noble, les Squameuse de Boscranes.
« Les Squameuse avaient jadis embrassé la Réforme, et en avaient souffert grièvement sans modifier quoi que ce soit à leur ligne de conduite. Celle-ci toujours calviniste, austère, rigide et douce, gardait l’abstention sociale où ses pères s’étaient confinés se mettant eux-mêmes en quarantaine pour ne pas gêner leurs voisins, ou pâtir des proscriptions polies. Le début de leur souffrance était apparu avec la révocation de l’édit de Nantes, qui les avait chassés de France… »
Madeleine Squameuse « arborant au cou sa croix huguenote... »
« Elle n’employait qu’une jeune fille, presque une enfant, protestante elle aussi, qu’elle avait été recruter dans une famille d’Elbeuf, où tant d’Alsaciens ont émigré après 70 pour mener les tissages. Et ces deux femmes réalisaient ainsi solitaires, leur confession, sur l’ilot perdu dans ses terres et ses arbres.
Elles lisaient chaque matin leur « pain quotidien, livre de chevet de tout calviniste, qui contient des versets, des réflexions pieuses, des dates d’anniversaire ; « pains quotidiens » différents dont elles se communiquaient les textes comme une trouvaille journalière.
Elles étudiaient chacune leur Bible, et le soir, une prière en commun les réunissaient, commençant par le « Notre Père », qui, dans l’intégralité de saint Matthieu ajoute à la sublime demande une dernière magnificence : « Car c’est à toi qu’appartiennent dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen».
Elles avaient transformé en désert un monde habité. Le Dimanche, quand elles réalisaient leur petit culte, elles auraient vécu dans les solitudes du Far-West américain, avec les premiers colons du Mayflower, qu’elles n’eussent pas trouvé moins d’intercesseurs…. »
Contes fervents (1948), Flammarion, 1958, p 68-70.