5 juin 1971, mort d'André Trocmé (1901-1971), fondateur avec Édouard Theiss, du Collège cévenol au Chambon-sur-Lignon (1938).
Cette institution et tous les villages du Plateau Vivarais-Lignon sont devenus de 1942 à 1944 lieu de refuge pour des centaines de juifs français et étrangers.
Le 5 janvier 1971, l'organisation juive Yad Vashem a reconnu André Trocmé, ancien pasteur de l'Église réformée du Chambon sur Lignon, en France, comme Juste parmi les Nations et l’a honoré pour sa défense audacieuse des juifs. En mai1984, ils reconnaîtront également l’épouse d’André, Magda. De nombreux autres habitants du Chambon ont été récompensés à plusieurs reprises et, en 1998, Yad Vashem a remis un diplôme d'honneur à l'ensemble du village.
Ces hommages visaient à récompenser une conduite humaine pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les Juifs étaient déportés et massacrés par les nazis et leurs collaborateurs. Les habitants du Chambon, et même de tout le Plateau Vivarais-Lignon, inspirés par les exhortations des pasteurs André Trocmé, Edouard Theis, Roland Leenhart, Daniel Curtet et du pasteur devenu maire Charles Guillon (qui tous activement ont participé aux efforts de sauvetage) – ont risqué leur vie pour sauver peut-être jusqu'à 3 000 Juifs ainsi que d'autres réfugiés, y compris des communistes, qui autrement auraient été envoyés dans des camps de la mort.
Guillon a préparé le terrain en conseillant au Chambon, des mois avant que les opérations de sauvetage ne soient nécessaires, d'être prêt à aider les réfugiés. André, prêchant le pacifisme, exhorte ses ouailles à abriter « les gens de la Bible » et à faire du Chambon une « ville de refuge ». Il a soutenu que « le devoir des chrétiens est d’utiliser les armes de l’Esprit pour s’opposer à la violence qu’ils [les hommes méchants] tenteront d’exercer sur nos consciences ». Leenhart a publié un journal religieux appelant les croyants de l’Église réformée du plateau à se tenir aux côtés des persécutés.
Les réformés français pouvaient s'identifier aux Juifs persécutés parce que leur propre histoire avait été marquée par de nombreuses souffrances lors des persécutions catholiques contre les huguenots. Les Darbyistes et les Ravenistes, deux petits groupes protestants profondément ancrés dans les études de l’Ancien Testament, ont également aidé, tout comme les catholiques romains et les non-croyants, bien qu’ils ne représentent qu’une petite proportion de la population du Plateau.
Développant un réseau, les villageois rencontrèrent les Juifs en fuite, les nourrirent, les habillèrent, les logèrent et scolarisèrent leurs enfants. Ils ont aidé des centaines de personnes à fuir vers la Suisse et en ont caché des centaines d’autres dans leurs maisons, dans des institutions publiques, dans des granges, dans des grottes, dans des gîtes ruraux ou dans les forêts voisines. Parmi les sauveteurs actifs – ils étaient trop nombreux pour les nommer ici – figuraient la psychologue Madeleine Dreyfus, l'institutrice Gladys Maber, le scout Pierre Piton, le docteur Le Forestier et la propriétaire du café Dorcas Robert.
Oscar Rosowsky, étudiant en médecine, est devenu un faussaire expert, travaillant de nuit à préparer de faux papiers pour les Juifs et leurs sauveteurs. Les adolescents assumaient des rôles responsables en tant que guetteurs, coursiers et guides. Des centaines de Français qui ne vivaient pas sur le plateau ont également risqué leur vie lors des opérations de sauvetage.
Cependant, c’est Trocmé qui a eu la part du lion après la guerre en raison de sa prédication pacifiste, même si cela ne représentait qu’une partie de l’histoire. Mais il méritait clairement d’être reconnu. Par exemple, Trocmé a défié les autorités de Vichy lorsqu’on lui a ordonné de dresser la liste des Juifs protégés localement, en déclarant : « Nous ne savons pas ce qu’est un Juif. Nous ne connaissons que les hommes ».
Trocmé, Edouard Theis et le maître d'école Roger Darcissac sont internés par les Allemands pendant quelques semaines. Étonnamment, bien que deux d’entre eux aient refusé de signer un engagement d’obéir au gouvernement, ils ont été libérés. Les trois étaient sortis à temps car leur camp fut rapidement déplacé vers l'est où la plupart de ses prisonniers périrent. Avertis d'une nouvelle arrestation imminente, Trocmé et Theis se cachent. Un officier allemand rattrapa Trocmé mais ne le reconnut pas et, par inattention, lui permit de s'échapper. Il a payé son erreur en étant rétrogradé et envoyé sur le front de l'Est.
Bien que les habitants du plateau aient réussi à cacher la plupart des Juifs qui venaient vers eux, tous les sauveteurs n'ont pas survécu. Parmi les morts se trouvait le cousin germain d’André, Daniel. En mauvaise santé lorsqu'un raid captura les Juifs cachés avec lui, il insista pour les accompagner et succomba à la maladie en prison à l'âge de trente-quatre ans. Daniel, sera également reconnu comme Juste parmi les Nations. Le Forestier a été sommairement exécuté par les Allemands.
D'autres ont été capturés mais ont survécu pour raconter leur histoire. Madeleine Dreyfus a survécu près d'un an au camp de concentration de Belsen. Dorcas Robert revient après plusieurs mois à Ravensbrück.
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Le livre de Philippe Boegner "Ici on a aimé les juifs" (dont a été tiré un télé-film) a fait entrer dans la légende le rôle du pasteur Trocmé et de son épouse.
Depuis juin 2013 Le Chambon-sur-Lignon a son « Lieu de mémoire ». Il était temps ! Presque 70 ans après la fin de la Seconde-Guerre mondiale pendant laquelle plus de mille enfants juifs furent sauvés par les habitants, et 23 après la remise par Israël du diplôme d’honneur des Justes à la commune et aux habitants du Plateau. Le bâtiment est situé près de l’école élémentaire, là même où, pendant la guerre, les enfants étaient accueillis et éduqués. Le parcours indique les villages qui autour du Chambon ont participé à cette résistance civile, ainsi que tous ceux qui ont travaillé à cette aventure autour de leurs pasteurs. Mais aussi l’histoire des protestants du Plateau depuis le 16ème siècle.