5 août 1885. Mariage du poète Henry Warnery
Henri Warnery (1859-1902) est né à Lausanne le 11 juin 1859 (Suisse), où il fit ses études de théologie, fut d’abord professeur de langue et de littérature française au collège de Constantinople. Ensuite il enseigna et fut sous-directeur de l’École normale protestante de Courbevoie, où il se maria le 5 août 1885 avec Adèle Emma Gaudard dont il aura quatre enfants.
Enfin il retourna en Suisse et fut professeur de littérature au collège cantonal de Lausanne. Warnery était phtisique.
Robert Sabatier parle de lui de façon significative dans son Histoire de la Poésie Française :
« De ses premières Poésies, 1887, qui sont d’un parnassien dont l’art ne dessèche pas la fraîcheur, à ses poésies inédites, Au vent de la vie, 1904, posthumes, en passant par sa grande œuvre Sur Alpe, 1895, et le Chemin d’espérance, 1899, apparaît comme un idéaliste cherchant à élever son âme vers les cimes, recherchant la solitude, le silence... Si haut qu’il soit, toujours l’impossible nous tente, écrit-il et il y a en lui un Sully Prudhomme (il se dit son disciple) qui aborde les sujets descriptifs, patriotiques, philosophiques et religieux."
Pour le critique Henri Sensine, son poème, "Les origines",
"... est l’œuvre la plus forte qui ait été composée en Suisse romande. Religieux il a parfois des accents pascaliens ; philosophe, il atteint au cosmique (voir plus loin). Son souffle lyrique est indéniable, même si, au cours d’un long poème, il s’épuise parfois, mais l’ambition est grande et il y a des moments considérables surtout lorsque ses interrogations angoissées se tournent vers les « sourds commencements de la vie et de l’être » quand « un monde tout entier d’un atome va naître ».
Et Gérard Walch, dans son Anthologie des poètes français écrit :
« Son poème philosophique, Les Origines, une fort belle oeuvre, retrace la genèse de la terre et celle de l’humanité. Henri Warnery, a dit un critique, est un analyste subtil, d’une tendresse infiniment délicate, et un penseur profond capable d’embrasser les plus hauts problèmes. Parnassien psychologue au début, il sut renouveler sou talent par une oeuvre d’inspiration bien nationale, Sur l’Alpe, où la montagne est chantée avec une fraîcheur et une intensité d’impression très remarquables. » (1)
C’est à Henri Warnery, que le Prix Rambert, le plus ancien prix littéraire de Suisse romande a été décerné pour la première fois en 1903. Ce prix récompense « toute ouvrage qui, écrit par un Suisse et en français… aura été jugé le plus méritant par le jury, quelle que soit la matière traité, pourvu que le travail ait une valeur littéraire. » Beaucoup de noms prestigieux figurent parmi les auteurs primés : Denis de Rougemont, Nicolas Bouvier…
Le 14 avril 1903, pour la fête du centenaire de l’indépendance du canton de Vaud, la spectacle de Henri Warnery intitulé Le Peuple Vaudois, fut jouée devant les autorités, officiels et personnalités. Divisée en quatre tableaux la pièce mettait en scène les moments forts de l’histoire vaudoise.
Enfin, "Les Sacrifiées", texte souvent réédité d’Henri Warnery, contre l’expérimentation des animaux, fait de l’auteur un précurseur.
Voici quelques unes de ses poésies les plus souvent citées :
Les origines
Dans la splendeur des cieux un astre vient de naître,
Sur les langes d’azur j’ai cru le reconnaître ;
Vers lui mon espérance a dirigé son vol.
La Terre! Ah! je la vois! La Terre! c’est bien elle !
A son souffle embrasé je sens frémir mon aile,
Et j’entends, sous mes pieds, mugir son vaste sol.
Une sueur de feu pend à sa coupe nue ;
Les éclairs sur son front crépitent dans la nue ;
Ses flancs partout béants fument de toutes parts.
Un ciel obscur et lourd sur son écorce pèse,
Et, brisant les parois de l’énorme fournaise,
Les éléments de tout dans les airs sont épars.
Oh! qui dira l’horreur des premiers jours du monde ;
La matière hurlant dans sa gaine inféconde,
Et soudain ruisselant sur le globe éventré ?
Qui dira le courroux des tempêtes natives,
Et, sortant lentement des ondes primitives,
Les Alpes jusqu’au ciel portant leur front sacré ?
Tableau du soir
Le soir descend. Sur la neige des frissons roses
Courent, qui la font palpiter comme une chair ;
Et les toits des chalets, par leurs trappes mi-closes,
Laissent un filet bleu monter dans le ciel clair (…)
La vie est courte
La vie est courte comme un jour
Dont le soir suit de près l’aurore ;
L’heure fuit, le couchant se dore,
Le temps s’envole sans retour.
Les saisons pleurent tout à tour
Sur les fleurs qu’elle font éclore…
La vie est courte comme un jour
Dont le soir suit de près l’aurore.
Il faut en faire un doux séjour,
Un nid familier et sonore
Où quelque chose chante encore
Après la jeunesse et l’amour
La vie est courte comme un jour.
Les enfants
Les petits enfants blancs et roses,
Qui viennent droit du paradis,
Ont les yeux pleins de douces choses
Et le front de rêves hardis.
Ils sont ignorants et candides
Et ne savent rien d’ici-bas ;
Ils songent aux soleils splendides
Que notre ciel ne connaît pas.
Ils ont de petits corps si frêles,
Que tout pour eux nous fait trembler ;
Ils se souviennent de leurs ailes,
Mais ne peuvent plus s’envoler.
Comme rivés à la terre,
Ils vont l’arroser de leurs pleurs,
Et comme nous apprendre à taire
Les plus chers désirs de leurs cœurs.
Eux dont la main fut toujours bonne,
Ils deviendront durs comme nous ;
Ils ne sauront plus comme on donne
Ni comme on se met à genoux.
Ils verront fuir, les pauvres anges,
Leur fraîche innocence aux yeux bleus,
Et bientôt perdront dans nos fanges
Le souvenir lointain des cieux.
Notes:
1) Notice biographique extraite de : Gérard WALCH, Anthologie des poètes français contemporains, 1924.
(2) Robert Sabatier, La poésie du Dix-neuvième siècle, pp 444-445.