C’est à Heiden, en Suisse, au fond du lac de Constance, où « l’homme en blanc » était venu chercher refuge dix-huit ans auparavant, pauvre et déjà malade que, ce matin du 30 octobre 1910, Henri Dunant entra en agonie. A la fenêtre de sa chambre, l’instituteur suspendit un drapeau à la croix rouge. Le soir, il attacha un crêpe à la hampe. Henri Dunant, le visionnaire, avait cessé de vivre.
Henri Dunant (1828-1910) est descendant d’un huguenot émigré à Genève. Dès l’âge de 18 ans, il consacre ses loisirs à faire le bien : il visite les pauvres, les infirmes et les prisonniers, puis il réunit chez lui quelques amis pour étudier la Bible.
Établi en Algérie pour ses affaires, il veut créer un centre industriel et commercial, et, dans ce but il décide de s’adresser directement à Napoléon III.
C’est en cherchant à la rejoindre qu’il assiste à la bataille de Solferino (24 juin 1859). Ce qu‘il va voir va bouleverser sa vie. Voici un fragment de la lettre que, quelques jours après la bataille de Solférino, Henri Dunant adressait à la comtesse Agénor de Gasparin, en la priant de faire connaître ces détresses au monde :
« Pardonnez-moi Madame de vous écrire au milieu d‘un champ de bataille, où l‘on ne mesure pas ses expressions. Le champ de bataille n‘est rien, même avec ses monceaux de morts et de mourants, en comparaison d‘une église où sont entassés cinq cents blessés!… Depuis trois jours, chaque quart d‘heure, je vois une âme d‘homme quitter ce monde au milieu de souffrances inouïes. Et, cependant, pour beaucoup, un peu d‘eau… un sourire amical, une parole qui fixe leurs pensées sur le Sauveur, et vous avez des hommes transformés, qui attendent courageusement et en paix l‘instant du délogement. Pardonnez-moi, Madame, mais je pleure à chaudes larmes en vous écrivant ; Je ne puis même continuer et l‘on m‘appelle. »
Horrifié par le sort des blessés à Solferino, celui ne faisait que passer, s’arrête pourtant et se dévoue pour les soigner avec les moyens du bord. 10 000 blessés quelle que soit leur nationalité seront accueillis.
Il publie ensuite un livre qui a un retentissement énorme : « Un souvenir de Solferino ».
Afin de mettre en pratique les conclusions de son livre, Henry Dunant et quatre autre Genevois provoquent la convocation, en 1864, d’une conférence internationale qui adopte la « Convention de Genève pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne ». C’est la naissance du « comité international de secours aux militaires blessés », la Croix-Rouge.
Mais Henri Dunant néglige ses affaires. Il est bientôt impliqué dans un procès en faillite frauduleuse. Il dira par la suite : « J’ai été égaré par une imagination ardente, une nature trop instable et y un caractère trop confiant ». Et il doit démissionner du Comité de Genève le 25 août 1867 et s’en voit exclu pour toujours, sans le moindre signe de charité ni de compassion. Ses « amis » prétextant agir pour le bien de la jeune Croix-Rouge, vont faire leur possible pour expurger toute mention du nom de Dunant de l’histoire de l’institution. Dans ses mémoires, Dunant se dit « dans un état de chagrin, de désespoir, de dénuement, de famine dont nul ne peut se faire une idée ». Il va mener dès lors une vie errante et miséreuse. Il rembourse toutes ses dettes
Jusqu’au moment où un journaliste entreprenant le découvre à Heiden, et révèle au monde le fondateur de la Croix-Rouge. Son histoire est reprise t répandue dans le monde entier. Les visiteurs affluent pour rendre hommage. Les lettres, les honneurs, les pensions pleuvent.
En 1901, Dunant se voit décerner le premier prix Nobel de la paix.
Durant ces années difficiles, Henry Dunant reste profondément attaché à l’Évangile, dont il faisait une interprétation prophétique. En revanche, il critique fortement un christianisme institutionnel et formalisé. Mais c’est néanmoins sa compréhension de l’Évangile et sa foi qui l’ont conduit à adopter cette pensée humanitaire qui a marqué l’Histoire pour toujours.
Les historiens confirment que la création de la Croix-Rouge trouve ses racines dans la pensée et l’engagement chrétiens de son fondateur. A ce titre, la naissance de la Croix-Rouge peut être considérée comme faisant partie de l’histoire de la mission chrétienne.
Quelques citations :
« Nous voulons, avec le secours de Christ, proclamer toujours plus haut et plus fermement les grandes vérités évangéliques, à savoir la divine autorité de toute la Parole de Dieu ».
« L’ennemi véritable, notre véritable ennemi ce n’est pas la nation voisine, c’est la faim, le froid, l’ignorance, la routine, la superstition et les préjugés ».