Thomas Traherne (né en 1636 ou 1637 à Hereford – décédé le 10 octobre 1674 à Teddington) est un poète et homme d’Église anglais. Traherne meurt à l'âge de trente-sept ans au terme d'une vie contemplative et solitaire. Il est aujourd’hui classé comme l’un des principaux poètes métaphysiques.
Fils d’un cordonnier anglais mort tôt, Thomas Traherne est élevé par son oncle, aubergiste et maire d'Hereford. Ordonné en 1660, il est pendant dix ans pasteur de Credenhill, avant de devenir aumônier de Sir Bridgeman gar des sceaux de Charles II, puis pasteur à Teddington en 1667.
La contemplation occupe une grande part de son temps :
« Quand, arrivé à la Campagne, assis parmi les Arbres silencieux, je Disposais de tout mon Temps, je résolus de le passer tout entier, quoi qu’il m’en coûte à la Recherche du Bonheur et de rassasier cette Soif brûlante que la Nature avait Allumée en moi depuis ma prime jeunesse. »
Une des rares personnes qui l'ait bien connu a dit :
« C'était, écrit, un homme d'un tempérament agréable et enjoué, dépourvu de ces formes d'aigreur ou de raideur, par lesquelles certains hommes prétendument pieux discréditent et dénaturent la vraie Religion davantage qu'ils ne la rendent recommandable. »
Il n'a cessé d'écrire, sans rien signer ni rien publier qu'un unique livre, un an avant sa mort : « Roman Forgeries », en 1673.
Traherne n’a pas eu de reconnaissance littéraire de son vivant. Un an après sa mort est paru « Christian Ethicks », et en 1699, « A Serious and Patheticall Contemplation of the Mercies of God ». Ses œuvres ont ensuite été égarées. C’est finalement Bertram Dobell qui établit la paternité des œuvres. Les poèmes sont publiés en deux ouvrages, « The Poetical Works » paru en 1903 et « Poems of Felicity » l’année suivante.
Ses « Centuries of Meditations », une collection de courts paragraphes reflétant sa vie de chrétien, paraissent en 1908. CS Lewis a dit que "Centuries" était
‘the almost the most beautiful book in the English language’.
Louis Bouyer de son côté écrit :
"Tout mal est si radicalement banni de cette vision jubilante que la louange sempiternelle y paraît bientôt envelopper une fausse note obstinée. On se demande comment cet auteur, appremment perspicace, d'une "Ethique chrétienne" a pu si parfaitement oublier le péché, devenir si inconscient de toute douleur. Seule la troisième de ses "Centuries", très allusivement autobiographique, paraît connaitre le mal, mais seulement comme une erreur passagère, oubliée ou presque de celui-là même qui la rappelle. Cette cécité volontaire d'une innocence trop voulue éveille un soupçon d'insincérité ou d'insensibilité".
Textes
« Un jour, je me souviens - je crois que j'avais environ quatre ans - je raisonnais ainsi avec moi-même, dans une petite chambre sombre dans la pauvre maison de mon père : s'il y a un Dieu, certainement il doit être d'une bonté infinie... Comment peut-il se faire que je sois si pauvre ?... Je ne savais pas alors que j'avais une âme, ni que j'avais un corps, et je ne pensais pas aux cieux et à la terre, aux rivières et aux étoiles, aux soleils et aux océans. Toutes ces choses étaient perdues et loin de moi, mais quand je trouvais qu'elles étaient faites de rien, et qu'elles étaient faites pour moi, alors certes j'eus un Dieu, et je pouvais le louer et me réjouir avec lui. »
Centuries, III,16
Un œil-enfant
Une lumière pure, à l'abri de toute corruption,
Un rayon qui est tout spirituel, un œil
Qui est vraiment vierge, voit les choses
Comme les voit la divinité,
C'est-à-dire que son éclat brille dans un sens céleste,
Et tout à l'entour il dispense (sans se mouvoir) sa lumière.
Les regards sont de vrais rayons de lumière,
Subtils, rares, perçants, vifs et purs.
Et comme ils surpassent en légèreté les vents,
Ils sont dignes d'avoir une durée bien plus grande.
Ils pénètrent bien loin au-delà de tout ce qu'atteint un air épais
Qui avec telle excellence ne peut se comparer.
Mais une fois avilis, bientôt ils deviennent
Moins actifs qu'auparavant; et alors
Ils courent après les objets qui les tirent de tous côtés
Et font de nous des hommes malheureux.
Un simple œil d'enfant est un tel trésor
Que quand il est perdu, nous n'éprouvons plus de réel plaisir.
(...)
Voici quatre lignes de son "Hymne pour le jour de la Saint-Barthélemy" :
La chair n’est que de l'argile!
O envole-toi mon âme et hâte-toi au loin
Que ce soit vers le Trône ou vers la Croix de Jésus!
Obéis!
Bibliographie : Les Centuries, trad. Magali Julien, Ed. Arfuyen, 2011