25-29 mai 1559. Rue Visconti.
La rue Visconti, appelait autrefois rue des Marais, en rapport avec les maraîchers nombreux à cet endroit. On la nommait aussi petite Genève tant la présence protestante y était importante.
Un des avantages de la rue qui a pu attirer les protestants est la double juridiction dont elle bénéficiait. En effet, la parcelle du petit Pré-aux-Clercs appartenait à l'Université et s'étendait sur la moitié ouest du terrain allant de la rue Jacob à la Seine et de la rue de Seine à la rue Bonaparte. A l'est, sept maisons relevaient de l'Abbaye. Par des ouvertures secrètes, il était possible de passer d'une juridiction à l'autre sans être aperçu de la rue, et tout simplement de fuir. D'ailleurs après la révocation de l'Édit de Nantes des assemblées clandestines se sont encore tenues dans cette rue (1698).
La double juridiction n'était pas le seul attrait du quartier. L’endroit situé en dehors des remparts, était calme et discret, bien à l’écart de l’effervescence et des troubles de la ville.
Les maisons sont toutes des 17ème et 18ème siècles, sauf les 5, 7 et 9 qui sont encore du 16ème siècle.
En 1555, la communauté protestante qui se réunissait dans cette rue, dans la maison des La Ferrière nomma alors pasteur un jeune homme de 22 ans, étudiant en droit, nommé Le Maçon, dit la Rivière.
Le premier synode national clandestin sous la présidence de François Morel (du 25mai au 29 mai 1559), dont on a dit qu'il s'était tenu « à la lueur des bûchers », eut lieu dans une cave de cette rue, probablement au 4, dans une auberge à double issue appartenant à un certain Levicomte. Ce synode qui réunissait des délégués de la plupart des provinces de France représenta la fondation de l'Église réformée en France.
Il adopta la confession de foi appelée plus tard « Confession de foi de La Rochelle » et une discipline d‘inspiration genevoise.
Article 5 : « Nous croyons que la Parole qui est contenue en ces livres (de l‘Ancien et du Nouveau Testament) est procédée de Dieu duquel elle prend son autorité, et non des hommes. Et d‘autant qu‘elle est règle de toute vérité, contenant tout ce qui nécessaire pour le service de Dieu et notre salut, il n‘est loisible aux hommes et même aux anges, d‘y ajouter, diminuer ou changer. Dont il s‘ensuit que ni l‘antiquité ni les coutumes ni la multitude, ni la sagesse, ni les jugements, ni les arrêts, ni les édits, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne doivent être opposés à cette Écriture sainte. Mais au contraire, toutes choses doivent être examinées, réglées et réformées selon elle. Et suivant cela nous reconnaissons les trois symboles, à savoir, des apôtres, de Nicée et d‘Athanase, parce qu‘ils sont conformes à la Parole de Dieu ».
Quelques semaines après la réunion du Synode, à la suite d’une dénonciation, une cinquantaine de sergents du guet investissent l’auberge de Levicomte. La plupart des hôtes gagent les champs pendants que quatre gentilshommes l’épée à la main protègent l’entrée avant de se replier en bon ordre. Néanmoins la femme et le père de l’aubergiste sont saisis et mourront en prison.