25 avril 1787. Les Ambassadeurs de Hans Holbein
C’est un double portrait de Jean de Dinteville (1504-1555) bailli de Troyes et ambassadeur français et de Georges de Selve (1509-1541) ecclésiastique, érudit et diplomate français, peint par Hans Holbein le Jeune en 1533.
Longtemps dans la région de Troyes, puis à Paris (notamment au Palais de l’Elysée) la toile est ensuite vendue aux enchères le 25 avril 1787. Le marchand d'art Jean-Baptiste-Pierre Lebrun la revend en Angleterre en 1792. La National Gallery l'acquiert enfin en 1890, pour la somme de 55 000 livres.
Le cadran solaire cylindrique, sur la gauche de l'étagère supérieure, précise la date de la rencontre, le 11 avril 1533, alors que l'horloge polyédrique en donne l'heure, avec une hésitation néanmoins entre le côté qui fait face au spectateur, indiquant 9 h 30, et les deux autres côtés, indiquant 10 h 30. Le tableau semble arrêter le temps dans leur jeunesse éternelle, indiquée par la mention de leurs âges respectifs, 29 pour l'un, et 25 ans pour l'autre.
Georges de Selve, a passé l'essentiel de son sacerdoce à travailler à la réconciliation au sein de l'Église. Il fut notamment très critique à l'égard de la corruption dans les rangs des catholiques, qu'il jugeait responsable du développement du luthéranisme.
Ces positions peuvent éclairer la présence du crucifix, dissimulé derrière la riche tenture verte, dans l'angle supérieur gauche du tableau, renvoyant à l'idée d’un Dieu accessible seulement par la foi selon l’enseignement de l’apôtre Paul, dont Georges de Selve était un fervent admirateur.
Ces positions peuvent aussi éclairer la présence du livre de cantiques luthériens, ouvert à droite de l'étagère inférieure, Le livre représenté est un livre de cantiques en allemand par Martin Luther (1524). Il est ouvert sur deux chants identifiables
La page de gauche montre le cantique de Martin Luther « Komm, Gott Schöpfer, Heiliger Geist". Et celle de droite l'introduction à la « Version abrégée des Dix Commandements ». Est ici mis en valeur le thème favori de Luther de l'opposition entre la Loi, représentée par les Commandements, et la Grâce, symbolisée par l'hymne.
Le Luth a une corde cassée, symbole traditionnel de fragilité. Cela symbolise également la finitude de l'existence en cette période de questionnement de l'homme de la Renaissance, qui cherche à donner un sens à sa vie et vit dans une certaine angoisse de la mort — angoisse que l'Église a de plus en plus de mal à contenir avec le développement du protestantisme depuis le scandale du commerce des indulgences, promettant l'accès au paradis aux généreux donateurs.
Le crâne distordu qui s’étend entre les deux amis est aussi un memento mori rappelant au spectateur que l’homme est mortel.
La foi chrétiene offre l’espérance d’une vie éternelle lorsque la poussière retourne à la poussière.
Dans ce tableau où Holbein a méticulesement cherché à donner aux choses l’apparence du réel, la distortion sert aussi à signaler que la réalité telle qu’elle est percue par nos sens, ne se révèle dans la totalité que si elle est vue « correctement ». Un léger salut aux à l’apparences des choses ne suffit pas.