21 février 1903. Raymond Queneau et la Bible
Raymond Queneau (1903-1976), né au Havre le 21 février 1903 est un romancier, poète, dramaturge français, co-fondateur du groupe littéraire Oulipo.
En 1847, paraît "Exercices de style", un court récit décliné en une centaine de styles (99 !). Ces Exercices de style lui furent inspirés par L’Art de la fugue de Bach, lors d’un concert auquel il avait assisté et qui avait fait naître en lui l’envie de développer différents styles d’écriture.
En 1947, il écrira Si tu t’imagines, interprété avec succès par Juliette Gréco.
Même si Queneau n’a pas la foi chrétienne, la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, nourrissent son imagination littéraire.
L’arche comme jardin zoologique
Selon la Bible, Dieu dit à Noé : « De tout être vivant, de toute chair, tu introduiras un couple dans l’arche pour les faire survivre avec toi ; qu’il y ait un mâle et une femelle ! De chaque espèce d’oiseaux, de chaque espèce de bestiaux, de chaque espèce de petites bêtes du sol, un couple de chaque espèce viendra à toi pour survivre. » (Genèse, VI 19-20.
Dans l’imaginaire de Raymond Queneau, l’arche de Noé représente tout d’abord l’endroit où sont rassemblées toutes sortes d’animaux, c’est-à-dire, un jardin zoologique. Le poème intitulé « Genèse d’un zoo », inclus dans « Battre la campagne » (Poésie Gallimard p 203), évoque directement l’épisode de l’arche :
Au lieu de s’arrêter sur l’Ararat
l’arche se retrouva
sur le fleuve Seine
et finalement échoua
du côté de Vincennes
les animaux on y lâcha
paisibles ils restèrent là
habitués qu’ils étaient
à leur sécurité
patriarcale
De l’Éden, se dit Noé, cela fera l’image
avec des fils de fer et des cages
pauvre image
mais tout de même une image
succursale
testimoniale
et il fonde un Jardin Zoologique
un peu paradis, un peu prison, un peu mélancolique
L’Ararat est le nom du mont sur le sommet duquel l’arche de Noé repose après le déluge (Genèse, VIII 4). L’arche de Queneau ne songe pas à s’arrêter au sommet du mont, mais flotte passivement sur la Seine, pour finalement « échouer » près de Paris. Il est intéressant de considérer que, le Jardin Zoologique présenté dans ce poème se trouve « du côté de Vincennes », au bord de la Seine, en périphérie de Paris.
« Genèse XXXII, 24 » le combat de Jacob avec l’ange (Courir les rues, Poésie Gallimard p 64)
Le combat de Jacob avec lange est un mystère fascinant
on le voit peint par Delacroix sur un mur de l’église Saint-Sulpice...
chaque fois que j’entre dans cette église pour regarder cette fresque
Jacob continue farouchement sa lutte gigantesque
qui va durer toute la nuit
lorsque demain matin le sacristain rouvrira les portes
Jacob et l’ange seront toujours là combattant
et ça durera tant que la peinture ne craquera pas en lamelles
tant que la pierre ne s’effritera pas en parcelles tant que cette immense bâtisse ne tombera pas en
poussière
immense bâtisse dans laquelle on peut pénétrer par une
petite porte quand on arrive de la rue Garancière