Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez nulle part dans la Bible le mot «racisme», ni aucun terme proche. Alors faut-il, pour autant, conclure que la Bible est tolérante, voire permissive dans ce domaine? Certains l’affirment quand ils avancent que l’Église chrétienne a été à l’origine de discrimination raciale dans le cours de son histoire. On se souvient, par exemple, que la grande majorité des chrétiens au Moyen-Âge pensaient que le Juif était l’incarnation du diable, avec les conséquences désastreuses que l’on sait... De là, à faire dire à la Bible ce qu’elle ne dit pas, il y a un pas à ne pas franchir.
Pour traiter les choses dans une juste perspective, soulignons tout d’abord que les mots racisme, raciste, etc. sont modernes. Ils n’apparaissent dans notre vocabulaire qu’à partir de l’ère des grandes idéologies. Il est donc normal que nous ne le retrouvions pas dans la Bible, bien plus ancienne.
Ceci n’empêche pas que certains textes bibliques touchent au sujet. À cet égard, le commandement que Dieu adresse à Israël au début de son histoire est sans ambiguïté: «Quand un étranger viendra s’installer… dans votre pays, ne profitez pas de lui. Au contraire, vous agirez avec lui comme avec quelqu’un de votre peuple. Vous devez l’aimer comme vous-mêmes» (1).
L’exemple du Christ
Toutefois, ici comme ailleurs, c’est l’exemple du Christ qui est le meilleur révélateur des intentions du Créateur pour les hommes. Or, les témoins oculaires de sa vie rapportent qu’il a dénoncé les stéréotypes, les préjugés et les discriminations de son époque. Il s’est laissé approché tant par des femmes (2) que par les enfants (3), deux catégories de personnes pourtant dévalorisées dans sa culture. Il a tenu à toucher les lépreux qu’on tenait cruellement à l’écart. Il s’est sans cesse préoccupé de ces laissés-pour-compte qu’étaient les malades et les «sans domicile fixe» de l’époque (4). Au risque de choquer son entourage, il s’est également montré ouvert à des personnes peu recommandables sur le plan moral, les prostituées, ou les collaborateurs de l’occupant romain par exemple (5). Les Actes des apôtres, le livre de la Bible qui relate les tous débuts de l’Église, apporte des lumières stimulantes sur notre sujet. Ses chapitres 8 à 10 racontent, au travers de plusieurs récits de conversion aussi spectaculaires qu’emblématiques, comment Dieu a continué à bouleverser les mentalités en matière de relations humaines.
Un étranger
Au chapitre 8, nous faisons la connaissance d’un haut fonctionnaire éthiopien. C’est un homme qui cherche Dieu mais qui rentre bredouille de son voyage à Jérusalem où, vraisemblablement, on lui a barré l’accès du temple. Grâce à l’évangéliste Philippe, mis providentiellement sur son chemin, il comprend le sens des Écritures et prend conscience que l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, s’adresse aussi à lui, l’Africain, eunuque de surcroît. Il est probable qu’il soit à l’origine de l’Église chrétienne en Éthiopie qui existe encore aujourd’hui.
Un intégriste
Tout de suite après (6), nous assistons à la conversion de Paul, un intégriste religieux juif. Jusque-là, il avait fondé toute sa vie sur des critères d’exclusion. Pourtant ce jour-là, il est littéralement terrassé par Dieu alors qu’il était en chemin vers Damas pour y faire mettre en prison ceux qui ne pensaient pas comme lui. Il deviendra l’une des plus grandes figures de l’Église du premier siècle. Par son exemple et son enseignement, il montrera comment le Christ peut transformer un idéologue raciste en un ambassadeur de son amour envers l’humanité toute entière. C’est sous sa plume qu’on trouve cette synthèse magistrale des effets de l’Évangile: «Il n’y a donc plusse différence entre les Juifs et les non-Juifs, entre les esclave et les personnes libres, entre les hommes et les femmes. En effet, vous êtes tous un dans le Christ Jésus»(7). Autrement dit, à cause de la libération spirituelle obtenue en Jésus-Christ, les critères de race, d’appartenance à une nation, à un rang social ou à un sexe ne sont plus déterminants.
Un païen et un chrétien
Le chapitre 10 des Actes est le récit d’un double retournement de vie. C’est tout d’abord celui de Corneille, un païen originaire d’Italie. Cet homme était haut responsable d’une force d’occupation militaire aux méthodes aussi brutales que condamnables. Un jour, il entreprend cette démarche incroyable d’inviter un pêcheur galiléen sans instruction. Ces hommes appartenaient à deux mondes opposés. Ils n’auraient jamais dû se rencontrer. Et pourtant! À l’écoute de l’Évangile que Pierre lui annonce, Corneille va accepter le Christ et être baptisé avec sa famille.
L’expérience spirituelle de Pierre n’est pas moins profonde. Toute sa vie, il s’était conformé à l’idée que le Juif qu’il était n’avait pas le droit d’entrer sous le toit d’un païen ni de manger avec lui. Dieu va employer les grands moyens pour lui apprendre qu’il ne fait pas de différence entre les hommes. Une fois convaincu, ce sera à son tour de persuader ses compatriotes croyants.
Le 11ème commandement?
Si les divers écrivains bibliques avaient formulé un commandement interdisant le racisme, sans doute aurait-il été le commandement le moins suivi de la liste. On ne se débarrasse pas si facilement d’une attitude aussi ancrée dans le cœur.
Fidèle à elle-même, la Bible nous renvoie au problème plus fondamental de la déchéance de l’humanité. Elle dit aussi ce que Dieu a fait pour la restaurer. Elle parle de la nécessité de «naître de nouveau» (8) pour vivre enfin une relation authentique avec Dieu et avec nos semblables. Ce salut personnel est aussi le reflet de la restauration finale de toutes choses qu’annonce Jésus durant son ministère. C’est toute la réalité de ce monde marqué par le péché que Dieu veut rétablir, que ce soit dans ses dimensions sociales, économiques ou politiques.
Combattre le racisme est donc bien plus que de se conformer à un commandement, c’est accepter d’entrer, par le Christ, dans un nouvel élan de vie.