Il y a deux ans, une affaire a défrayé la chronique en France : une fonctionnaire municipale s’était vue sans préavis mutée et rétrogradée dans une autre ville que la sienne. Son crime ? Elle avait offert à ses collègues des calendriers aux couleurs des Associations familiales protestantes, dédicacés de deux versets bibliques. Un crime de lèse-laïcité donc ! Faut-il préciser qu’elle l’avait fait à titre strictement personnel, dans le cadre privé de relations privilégiées ?
Laïcité ou laïcisme ?
Certaines voix s’en étaient émues à l’époque. N’est-ce pas une conception dévoyée, falsifiée, maladive de la laïcité qui avait conduit à une telle mesure ? Le principe de la neutralité des agents de l’État et leur devoir de réserve quant à l’expression de leur appartenance confessionnelle face aux administrés avaient-ils été remis en question ? De toute évidence, ces cadeaux, même offerts sur le lieu de travail, témoignaient avant tout de relations privées entre collègues. Une laïcité bien comprise ne devrait-elle pas protéger au contraire cette possibilité ?
Une évolution qui fait peur
L’actualité n’a cessé depuis lors de nous donner le sentiment d’un certain durcissement autour de la laïcité. Parmi les sujets qui fâchent : port des signes religieux dans l’espace public, prière dans la rue, célébration des fêtes religieuses, menus dans les cantines, crèche de Noel, éviction des religieux du Comité consultatif national d’éthique... Nul doute, la tendance générale est à l’évacuation du religieux de l’espace visible. Ou, cachez-moi ce Saint que je ne saurais voir !
Alors oui, nous assistons à un glissement détestable qui pourrait légitimement faire craindre pour l’avenir des libertés religieuses et plus largement pour celles de nos libertés fondamentales. Celles des chrétiens comme celles des autres. Néanmoins, il serait dommage de jeter le bébé avec l’eau du bain. En effet, c’est précisément sur le terrain de la laïcité elle-même – celle des origines – qu’il faut se battre. Patiemment travailler pour réhabiliter sa juste compréhension.
La laïcité en quelques mots
Jean Baubérot, le spécialiste de la laïcité en France, la présente en quatre principes : deux moyens (principes de neutralité et de séparation de l’Église et de l’État) au service de deux finalités/valeurs essentielles (principes de liberté de conscience et d’égalité de traitement de tous les citoyens, quelles que soient leurs convictions). Or le glissement que nous observons aujourd’hui semble précisé- ment provenir d’un renversement de la compréhension. Les moyens deviennent des fins. Et les valeurs essentielles, ce régime de liberté et d’égalité auquel nous sommes tous attachés, sont bafouées. La neutralité de l’État se mue en neutralisation des religions, et la séparation de l’Église et de l’État aboutit à l’évacuation de l’expression religieuse de l’espace social.
Il va falloir se battre
Il est urgent de réaffirmer, au nom de la laïcité que le plus beau combat de celle-ci doit être précisément de veiller à assurer les libertés de chacun. Liberté de croire et de ne pas croire, et de vivre en conséquence. Liberté de partager librement ses convictions essentielles dans l’espace de la vie commune. Le combat est à mener ; rien n’est donc perdu !