C’est un principe dans la Bible: plusieurs témoignages valent toujours mieux qu’un seul(1). Quand on les recoupe entre eux, ils permettent de nous faire une meilleure idée de ce qui s’est passé, de ce qui s’est dit et d’approcher de la vérité. Mais en même temps, chacun des témoins garde son propre point de vue qu’il raconte avec ses mots, sa compréhension, son ressenti.
C’est plutôt bon signe
Deux témoignages ne sont jamais exactement identiques, sinon il faut suspecter la crédibilité des témoins: ils se seraient mis d’accord entre eux. Les évangiles sont des témoignages qui ont un statut particulier. Ils nous transmettent la vie et l’enseignement de Jésus. Deux sont l’œuvre de disciples de Jésus (Matthieu et Jean), les deux autres sont des témoignages indirects mais contemporains (Luc et Marc). L’Église ne nous a transmis que quatre évangiles qu’elle reconnaît comme inspirés. Ce qui est finalement assez peu au regard des 66 livres canoniques qui constituent la Bible et de l’importance du Christ pour le christianisme.
Les textes de trois des quatre évangiles peuvent être mis en regard. Il s’agit de ceux de Matthieu, Marc et Luc. C’est pour cela qu’on les appelle «synoptiques». L’évangile de Jean a une présentation très différente et complémentaire aux synoptiques(2). Cependant les récits de la Passion de Jean peuvent être eux aussi mis en parallèle avec ceux des trois autres. C’est d’ailleurs le cœur des quatre évangiles.
Une très grande partie de l’évangile de Marc se retrouve dans celui de Matthieu. Matthieu et Luc partagent un certain nombre de paroles du Christ qu’on ne retrouve pas dans Marc (250 versets) sans pour autant être exactement semblables(3). Luc et Matthieu ont des textes qui leur sont propres(4). Tout cela conduit à postuler que les synoptiques ont fixé par écrit des sources différentes dont certaines remontent à des traditions orales transmises par les apôtres eux-mêmes. Il n’existe donc pas d’évangile unique(5).
Ils s’adaptent à tous
Les auteurs ont écrit pour des lecteurs différents. Matthieu ajoute au texte concis de Marc beaucoup de citations du premier Testament, comme étant réalisées, ce qui n’a de sens que pour des lecteurs hébraïsants(6). De son côté, l’évangéliste Jean est obligé de donner des notes explicatives aux mots de la culture hébraïque(7). Ce ne sont plus les mêmes lecteurs ni la même façon d’écrire.
Enfin chaque auteur a une intention théologique. Les évangiles ne se veulent pas neutres. Ils sont des témoignages transmis pour que le lecteur se prononce sur la personne de Jésus. Jean l’exprime le mieux: «Jésus a fait encore, devant ses disciples, beaucoup d’autres signes miraculeux qui ne sont pas racontés dans ce livre. Mais ce qui s’y trouve a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu. Et si vous croyez en lui, vous aurez la vie par lui»(7).
Pour stimuler notre réflexion
Tout cela explique en partie les différences qui apparaissent entre les évangiles. Les sources ne sont pas toujours les mêmes, la transmission des récits oraux a pris des chemins différents, les intentions de l’auteur n’étaient pas les mêmes… S’il y a des différences notoires, bien souvent c’est qu’il y a une raison, une intention sous-jacente, à rechercher. Loin d’annuler le témoignage des quatre évangélistes, elles le crédibilisent d’autant plus.
Bibliographie
• Alfred Kuen, 66 en 1, introduction aux 66 livres de la Bible, Éditions Emmaüs, 1991.
• François Bassin, Franck Horton, Alfred Kuen, Introduction au Nouveau Testament, Évangiles et Actes, Éditions Emmaüs, 1990.
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Philippe de Pol est pasteur au service d'une communauté protestante dans le Béarn.