Il est aujourd’hui acquis que nous héritons de nos parents bien plus qu’un simple patrimoine génétique. Si les spécialistes sont loin de trouver un accord sur le « comment ces transmissions psychiques se font entre générations », leurs recherches cliniques les poussent toujours au même constat : il y a quelque chose qui passe aux « enfants, jusqu’à la troisième ou la quatrième génération ». De façon imagée nous pourrions résumer en disant que si une génération n’a pas digéré un événement (suicide, inceste, maladie honteuse, crime…), les générations suivantes vont avoir mal au ventre(1). Comme si un certain cordon ombilical n’avait pas été coupé.
On citait déjà ce proverbe à l’époque des prophètes de la Bible : « Les parents ont mangé des fruits verts, mais ce sont les enfants qui ont mal aux dents ».
Les gens faisaient ainsi le constat que les liens de parenté peuvent se transformer progressivement en chaînes et devenir comme des boulets qu’il faudra traîner toute sa vie.
La Bible n’a jamais toutefois prétendu que Dieu tenait une comptabilité familiale sur plusieurs générations. Il est clair que chacun rend compte pour lui-même. Ce sont en fait les descendants, les héritiers, qui s’imposent l’obligation de rendre des comptes à leurs aïeuls à qui ils doivent tout. Ces nœuds familiaux transmis d’une génération à l’autre ont reçu des noms modernes tel que : « secret de famille »(2), « dette de vie », « syndrome d’anniversaire »… Des études en sciences humaines(3) très sérieuses ont repris la terminologie des histoires de « fantômes » pour expliquer ces liens avec les générations précédentes(4). On est loin de l’époque où on traitait ces phénomènes de superstitions et d’obscurantisme.
Ces liens ancestraux forment comme une toile ; il est bien difficile de s’en extraire sans aide extérieure. Jésus, lui, nous invite à faire la distinction entre don et dette. D’ailleurs, la demande du Notre Père « Pardonne-nous nos offenses » devrait se traduire plus littéralement ainsi « Délie nous de nos dettes ». Dans la Bible, le pardon est du reste considéré une remise de dette : on ne doit plus. Tout lien entre les deux partis est coupé. Celui qui était redevable peut repartir entièrement libre. Sa dette a été transformée en don, en pardon. Il n’a plus de compte à rendre. Les liens qui l’enchaînaient sont brisés.
Celui qui passe sa vie à vouloir rembourser ses dettes va devenir l’esclave de ce qui l’emprisonne. Celui qui accepte et reçoit le pardon va découvrir la liberté qui s’ouvre devant lui, au-delà du pardon. Il est accueilli tel qu’il est dans la famille du Père, sans avoir à rendre de compte. N’est-ce pas ce que Jésus promettait par ces paroles : « L’esclave ne reste pas toujours dans la famille. Le fils, lui, reste dans la famille pour toujours. Donc si le Fils vous rend libres, vous serez vraiment libres » ? Il est bien le Fils qui rend libre !