Lorsque l’enfant Jésus voit le jour, quelques années avant notre ère, le peuple de Judée attend un personnage providentiel. Intégrée depuis soixante ans à l’Empire romain, la province supporte mal la perte de son indépendance. Cette aspiration à la liberté est commune, mais le petit peuple de Judée croit avoir une raison supplémentaire d’espérer: le libérateur lui a été promis par Dieu. C’est écrit depuis des siècles dans les livres laissés par les prophètes. On l’appelle le «fils de David», le «Messie», c’est à dire celui que Dieu oint, désigne, pour apporter la justice et la paix à Israël et même au monde entier. Cette espérance est si vive, si tenace, qu’aujourd’hui encore, elle ne s’est pas effacée de la conscience juive.
Que sera donc ce personnage providentiel?
Les textes qui portent cet espoir, sont bien connus et conservés. Ils constituent la Bible des Juifs et la première partie (Ancien Testament) de la Bible des chrétiens. Au travers des récits, des lois, des prophéties, des prières, que contiennent ces volumes, se dégage la perspective d’un avenir de justice et de paix grâce à l’intervention d’un personnage providentiel. Il est décrit sous les traits d’un nouveau prophète comme Moïse, d’un nouveau roi comme David qui combattra efficacement le mal et établira l’équité sur terre.
Par exemple, le livre des Psaumes, recueil des prières d’Israël, s’ouvre dès le second titre par la vision des rois et des peuples de la terre ligués contre Dieu et contre le roi qu’il a désigné. Mais Dieu, du haut du ciel, se rit de leur révolte, confirme le choix qu’il a fait de son roi, lui promet le règne universel et invite tous les rois de la terre à se soumettre à lui.
La présence de cette espérance pose au moins deux questions cruciales pour ceux qui en attendent la réalisation. D’abord celle de l’identification: à quels indices, à quels traits particuliers pourra-t-on reconnaître le personnage? Et ensuite celle de la réalisation : comment Dieu réalisera-t-il pratiquement son projet?
Gloire et humilité
En effet, les textes qui évoquent le personnage ne parlent pas seulement de grandeur et de victoire. Ils parlent aussi d’humilité et même, paradoxalement, de rejet, de souffrance et de mort, comme la fameuse prédiction du prophète Ésaïe(1) qui décrit le Messie comme le serviteur « méprisé, abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance, semblable à celui dont on détourne les regards»(2).
Les prophètes ont laissé certains indices précis qui seront repris par les auteurs des évangiles lorsqu’ils rendent compte de la vie de Jésus. Le Messie, descendant de David, ne doit pas naître à Jérusalem, la capitale royale, mais dans la bourgade de Bethléem, à quelques kilomètres au sud, modeste lieu d’origine de la famille avant l’accession de David au pouvoir(3). Cette naissance modeste est confirmée par le prophète Ésaïe, c’est comme un rejeton qui renaît de la souche d’un arbre abattu(4). Plus mystérieusement, le même prophète annonçait comme un signe la naissance miraculeuse de l’enfant d’une jeune fille(5).
Enthousiasme et méfiance
D’autres indices se réfèrent à l’activité du Messie: il guérit les sourds, les aveugles, les boiteux, les muets(6), annonce la bonne nouvelle aux pauvres(7). Une autre prophétie du même recueil insiste sur la discrétion du serviteur du Seigneur qui ne criera pas, n’élèvera pas la voix, ne brisera pas le roseau qui ploie et n’éteindra pas la mèche qui vacille(8).
Les récits des évangiles rendent compte des hésitations à propos de Jésus : l’enthousiasme qu’il suscitait auprès des foules, mais aussi la perplexité, la méfiance des religieux, puis leur hostilité. Jésus lui-même ne se laisse pas volontiers reconnaître comme le Messie, certainement pour ne pas nourrir les faux espoirs qu’entretenaient ses contemporains. Ses propres disciples ne le comprennent pas lorsqu’il leur explique à plusieurs reprises qu’il doit souffrir et mourir.
Ne nous trompons pas de Messie
Plusieurs indices se réfèrent en effet à sa mort: il a été traité comme un malfaiteur(9), ses vêtements ont été partagés, on a tiré au sort sa tunique(10). C’est après sa résurrection, annoncée elle aussi par les prophètes, que ses disciples, d’abord décontenancés par la mort de leur maître, reconnaîtront pleinement en lui le Messie promis et propageront son message dans l’Empire romain et jusqu’au bout du monde.
À la veille de Noël, ne nous trompons pas de Messie. Ce n’est pas l’attendrissement devant la naissance d’un enfant qui sauvera le monde. Avant que la justice triomphe sur la terre, c’est notre cœur qui doit profondément changer, il a besoin du pardon de Dieu et de guérison. C’est pour cela que le Messie tant attendu devait souffrir et mourir. Non pas seulement parce que le monde est méchant, mais parce que Jésus a librement accepté de nous acquérir ainsi le pardon de Dieu.
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D’antiques promesses enfin réalisées
• Matthieu 1.20-23
L’ange du Seigneur dit à Joseph: «Joseph, fils de David, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme. Oui, l’enfant qui est dans son ventre vient de l’Esprit Saint. Elle va mettre au monde un fils, et toi, tu l’appelleras Jésus. En effet, c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.» Ainsi se réalise ce que le prophète a dit de la part du Seigneur: «La jeune fille attendra un enfant. Elle mettra au monde un fils. On l’appellera Emmanuel, ce qui veut dire “Dieu avec nous”».
• Matthieu 2.4-6
Le roi réunit tous les chefs des prêtres de son peuple avec les maîtres de la loi. Il leur demande: «À quel endroit est–ce que le Messie doit naître?» Ils lui répondent: «Le Messie doit naître à Bethléem, en Judée. En effet, le prophète a écrit: “Et toi, Bethléem, du pays de Juda, tu n’es sûrement pas la moins importante des villes de Juda. Oui, un chef va venir de chez toi, il sera le berger de mon peuple, Israël”».